Bienvenue sur l’île mystérieuse des garçons sauvages. Ici, vous êtes prévenu(e.s), tout est étrange, versatile, les apparences sont trompeuses… Résumons: une bande de cinq adolescents, d’environ 13 à 15 ans, sont jugés pour avoir violé et assassiné leur prof de français (!). Leurs parents décident de les confier à un mystérieux capitaine, qui tient en laisse (!) un jeune garçon docile. Ce capitaine connaît une méthode infaillible pour éduquer les garçons sauvages… Il les emmène sur son bateau, leur inflige un traitement plus que spartiate (ou alors retrouvons le vrai sens de spartiate / agogé disons). Enfin, il les emmène sur une île mystérieuse, qui n’apparaît sur aucune carte: une île des plaisirs…
Voilà un film qui sort de l’ordinaire, à n’en pas douter. Sous la forme d’un conte fantastique, le réalisateur explore le thème de l’ambiguïté du genre. C’est assez bien vu d’aller chercher une bande de cinq mauvais garçons garçons à l’âge charnière où ils sont en train de se transformer en “hommes”. A cet âge, les garçons ressemblent encore à des filles mais font tout pour s’en distinguer. Ils éprouvent leur masculinité sur le mode de la violence et de la sexualité. Et comme dans tout cauchemar freudien, le film décuple cette violence et cette sexualité. Pas un seul plan du film sera dépourvu d’une image renvoyant très sexplicitement à la sexualité, la violence, ou les deux. Que ce soit la domination du capitaine à un sein, qui les enchaîne au bateau par le cou, ou les fruits poilus qui seront consommés constamment (ou l’île qui sent l’huître)… Sexualité et violence, critique de la masculinité toxique, on n’échappe pas à des nombreuses scènes de viol (un peu lassant, pas très agréable à mon sens). Cet agacement relatif n’empêche pas de vrais moments d’hilarité. Parce qu’au fond, il vaut mieux ne pas prendre trop au sérieux un film en grande partie provocateur. Surtout que rien n’est fait dans la subtilité: quand les garçons se jettent sur un cactus aux extrémités phalliques pour se désaltérer des grands jets de lait, par exemple… c’est drôle.
Et en même temps, on se demande où le scénario veut en venir. Renvoie-t-il aux métamorphoses antiques? A la psychanalyse? Un peu tout ça? Les personnages sont-ils sauvés… grâce à leur féminité? Je suis sortie en me disant que tout cela était un beau gloubi glouba psychanalytique, ni très fin, ni très clair… mais très “dans l’esprit du temps” (‘Zeitgeist’ comme on dit chez nous). Dommage que le film soit trop long, un peu trop prétentieux (et aussi borderline ridicule en grande partie). Avec trente minutes de moins, j’aurais sans doute été plus amène avec lui. Aucune scène n’a vraiment provoqué chez moi de franche adhésion. Je suis restée assez extérieure, ricanante, contente d’être là et pas ennuyée au point de partir… Mais pas fascinée non plus.
Quant à la mise en scène… Expérimentale, elle aussi, elle emprunte beaucoup de ses effets à la préhistoire du cinéma. Majoritairement en noir et blanc, les décors sont très très visibles, les effets de fantastique sont provoqués par des machines à fumée, des masques, des superpositions d’images (un décor de club berlinois comme un autre). De temps à autre, Bertrand Mandico opte pour des plans en technicolor, sans que l’histoire le justifie vraiment… Pour autant, cette mise en scène est pour le coup très en accord avec le fond de l’histoire: fantasque et charmante. Elle rappelle Jodorowsky, Cocteau (mais sans le génie à mon avis).
En bref: c’est drôle, très perché, pas passionnant (mais intéressant), et… beaucoup trop long.
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