Après son carton mondial inattendu il y a un peu plus de deux ans, le super-héros le plus déjanté de Marvel revient logiquement pour un second round avec une pression bien plus conséquente. Pour compenser un effet de surprise aujourd'hui disparu, "Deadpool 2" se doit d'exploser la totalité des jauges du "encore plus" indissociables de la qualité de toute bonne suite qui se respecte mais sans atteindre celles du "trop" qui gâcheraient considérablement la fête. En somme, un jeu d'équilibriste toujours dangereux dont peu de seconds volets parviennent à s'extirper...
Encore plus drôle ? Débarrassé du format "origin story" nécessaire mais encombrant par ses passages obligés, "Deadpool 2" démarre à fond la caisse côté vannes aussi référencées que méta (pauvre Vulverine !) et ne quitte quasiment jamais plus ce tempo comique déchaîné où toute situation passe obligatoirement par le rouleau compresseur sarcastique deadpoolien. On se marre beaucoup, au moins autant que son prédecesseur (sinon plus) et bon nombre de passages resteront dans les mémoires grâce aux pics d'hilarité atteints (mention spéciale aux "premiers pas" et aux formidables scènes post-génériques parmi pas mal d'autres trouvailles très drôles) mais, parfois, la profusion est telle qu'elle entraîne presque invariablement dans son sillage du gâchis, comme une espèce de surplus de répliques voulant rajouter une couche de rires là où elle n'était pas nécessaire. Cela dit, ce côté excessif correspond si bien à ce héros si particulier que l'on pardonne aisément cette volonté de trop en faire, d'autant plus qu'au-delà des retrouvailles jubilatoires avec les personnages du premier film (les échanges géniaux avec sa compagne, les comparaisons improbables de son meilleur pote barman, les X-Men de seconde zone qui s'en prennent plein la tête), les petits nouveaux trouvent tous leur place dans la partition humoristique du défouloir permanent que représente "Deadpool 2". Et puis, tout le monde en prend tellement pour son grade (Logan, le DCU, le MCU, les X-Men, etc) qu'il est impossible de résister...
Encore plus de personnages ? C'était d'ailleurs une des plus grosses craintes, un trop-plein de protagonistes avec notamment l'arrivée de la X-Force ou de Cable qui donnerait une impression de film de groupe où Deadpool aurait finalement du mal à tenir le rôle de figure centrale. Rassurez-vous, le grand brûlé increvable tient toujours bel et bien le haut de l'affiche (difficile de rivaliser avec une langue aussi bien pendue en même temps) et assure de main de maître son statut de chef-d'orchestre face aux nouveaux arrivants qui trouvent tous le moyen de marquer les esprits. Après Thanos, Josh Brolin campe une autre figure emblématique de Marvel avec une classe folle de guerrier buriné futuriste, Domino crève l'écran, les membres de la X-Force sont tous délicieusement azimutés, un invité-surprise en tant qu'antagoniste ancre un peu plus le film du côté des comics, ... Bref, de ce côté, l'aspect choral de "Deadpool 2" est parfaitement huilé pour laisser à son héros principal le devant de la scène tout en réservant de bons moments à sa légion de personnages savoureux, anciens compris.
Encore plus d'action ? C'est clairement là que "Deadpool 2" surpasse son prédécesseur. David Leitch (un des réalisateurs de "John Wick") déboule derrière la caméra et ça se sent : cette suite devient rapidement un condensé presque ininterrompu de scènes d'action au service de l'humour qui font instantanément oublier celles, pourtant déjà sympathiques, du premier film, c'est bien simple, on en prend plein la vue sur un rythme qui ne faiblit jamais si bien qu'on aura rarement vu deux heures de long-métrage filer aussi vite à la vitesse de l'éclair. Là encore, même sur ce plan, chaque personnage trouve le moyen de briller à moment ou à un autre dans la bagarre générale grâce à leurs capacités respectives, on citera surtout Domino et son pouvoir si particulier dont on sent l'énorme plaisir communicatif qu'a David Leitch à le mettre en scène. Bref, de ce côté, que du bon, on se régale !
Une histoire encore plus aboutie ? C'est là le bémol de "Deadpool 2" et qui risque encore de renforcer un peu plus le clivage entre les adorateurs et les détracteurs de l'approche cinématographique de ce super-héros si spécial. Sous ses airs subversifs, "Deadpool 2" est un vrai film de super-héros, avec un fond d'une naïveté confondante (sans doute plus que la moyenne) qu'un Deadpool d'une réalité parallèle pointerait probablement du doigt pour s'en moquer. Dans le premier opus, ce type d'intrigue quelque part enfantine était pleinement assumé (Deadpool nous annonçait d'emblée que "c'était l'histoire d'un type qui sauvait sa bien-aimée d'un grand méchant etc"). Ici, si les facilités scénaristiques sont toujours soulignées par de très bonnes vannes, sur un plan plus global, ce n'est pas le cas alors que cette histoire avec une thématique familiale très mièvre en son coeur s'avère toute aussi légère. On aurait peut-être aimé quelque chose de plus fouillé permettant à "Deadpool 2" de ne pas avoir ces défauts sur le fond dont il se fait paradoxalement le pourfendeur chez les autres grâce à ses remarques acerbes.
Mais, bon, ne boudons pas notre plaisir sur ce qui n'est finalement qu'un point de détail car "Deadpool 2" fait marrer, en met plein la vue et introduit des nouveaux personnages Marvel de manière jouissive. Une suite vraiment réussie à la hauteur de l'original, voire plus, qui donne envie d'en voir encore davantage, c'est assez rare pour être souligné. Tournée générale de chimichangas pour fêter ça !