Six ans qu'Aki Kaurismäki nous avait laissé tomber, nous les adeptes de son cinéma si particulier. Et voilà qu'en plus on entend dire que ce dernier film serait son dernier film. Non mais quoi, à même pas 60 ans, il prendrait sa retraite et nous laisserait définitivement tomber ! Figurez vous qu'on a besoin de vous, Monsieur Kaurismäki, pour nous offrir de temps un film où le besoin de solidarité le dispute à un humour à froid qui fait rarement rire aux éclats mais arrive toujours à réchauffer le cœur. Il y a 6 ans, c'était "Le Havre" qui voyait un cireur de chaussures faire tout son possible pour aider un jeune africain à rejoindre l'Angleterre, aidé par tout un voisinage haut en couleur. Depuis 2011, on ne peut pas dire que le problème des immigrés ait trouvé une solution satisfaisante : les guerres et les famines se déroulant dans leurs pays d'origine les ont rendus de plus en plus nombreux et ils sont de plus en plus mal accueillis par les pays européens.
"L'autre côté de l'espoir" se passe à Helsinki, en Finlande, et commence par la vision de Khaled, un immigré syrien, s'extirpant tant bien que mal de la soute à charbon d'un cargo. Nous allons suivre son "accueil" en Finlande en parallèle avec le changement de vie de Wikström, un sexagénaire finnois qui vient de quitter sa femme trop portée sur la vodka, qui quitte son travail de VRP spécialisé dans les chemises et embrasse la profession de restaurateur, passant de la cuisine finlandaise, aux sushis puis à la cuisine indienne. On dira que l'accueil réservé à Khaled est très mitigé, avec des autorités qui proclament que la situation à Alep ne justifie pas d'accorder le droit d'asile à quelqu'un qui en vient et qui doit donc y retourner, au moment même où la télévision finnoise montre les bombes qui tombent sur la ville et tue ses habitants par centaines. Quant à Wikström, quelqu'un lui dit que vendre des boissons ne peut être que lucratif puisque, quand ça va mal, on a tendance à boire et qu'on boit encore plus quand ça va bien ! Bien entendu, Khaled, Wikström et les employés de son restaurant vont finir par se rencontrer et le film va s'enrichir de ce futur partagé.
Dans cette Finlande que nous montre Kaurismäki, le peuple semble majoritairement solidaire avec les immigrés, même si sévissent aussi quelques bandes de nervis prêts à les tabasser, voire à les tuer, et la police semble se montrer, sinon vraiment serviable, du moins relativement polie. Et puis, à intervalles réguliers, on croise des personnages chers au réalisateur : des vieux rockers avec leurs Fender Stratocaster ou avec leurs guitares Gretsch, s'exprimant le plus souvent en finnois, une langue très bien adaptée à ce genre de musique. Quant à la photo du film, elle est absolument magnifique. Elle est l'œuvre de Timo Salminen, le chef op habituel de Kaurismäki, mais à qui on doit aussi la non moins magnifique photo de "Jauja", le très beau film de l'argentin Lisandro Alonso. En tout cas, Monsieur Kaurismäki, je me répète : même si "L'autre côté de l'espoir" n'est pas tout à fait au niveau, exceptionnel, de "L'homme sans passé", nous sommes nombreux à espérer voir à plus ou moins long terme un autre film que vous aurez réalisé.