Quel dommage. Quel dommage de vivre dans un monde biberonné au MCU depuis 10 ans et qui est devenu incapable d’apprécier un film de « super-héros » traité avec un ton noir, adulte et intimiste. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ce Marvel est ironiquement l’anti-MCU, ici, pas de blague lolxdptdr toutes les 30 secondes, pas 319 personnages inconsistants qui se battent à l’écran contre des montagnes d’effets visuels, pas de scénario sans enjeux qui pourrait être écrit par un gamin de 7 ans. C’est déjà là tout le mérite de ce film en cette terrible ère Disney, il s’assume du début à la fin, il ne déviera pas, il restera grave, dramatique, désespéré et regardera la mort en face. Ce film est noir (il porte bien son nom, ça change!), très noir. J’ai eu des moments où je n’étais pas très bien devant l’ambiance dégagée, une ambiance malaisante, lourde, que la musique de Hans (Fucking) Zimmer ne fait que renforcer en étant présente quasi non-stop avec un thème principal qui hante la tête après avoir quitté la salle. Ce n’est pas un film que je conseillerai aux personnes fragiles psychologiquement, tant il brasse des choses, tant il remue par ses thématiques, sa gravité, ses questions, pour peu que l’on s’identifie à Jean Grey. Et je ne le conseillerai sûrement pas aux enfants ! Ce film est sans ménagement, il y a de quoi faire des cauchemars pour les plus jeunes ! Les rares enfants dans la salle (amenés par des parents inconscients) n’ont pas fait long feu.
J’ai aimé ce film, je l’aimais peut être déjà d’avance à cause des flots de vomi qu’il se prend dans la gueule depuis sa sortie (j’ai une tendance à toujours aller contre le vent) et j’aime tous les films de la saga (je ne compte pas les spin-off Wolverine et Deadpool). Et pourtant je partais angoissé en sachant que le réalisateur, Simon Kinberg, avait écrit X-men 3 en 2006. Ce n’est pas que le film était mauvais à mes yeux, mais je craignais surtout de ne voir qu’un remake, une version 2,0. Il n’en est heureusement rien. Des similitudes, il y en a, la première moitié du métrage reprend le même squelette, mais une autre direction est prise ensuite et surtout, tout est centré sur le phénix cette fois, il n’y a pas de sous-intrigue venant parasiter la tragédie principale. Les personnages sont en phase avec les précédents films, si on les a suivis depuis le début, on sait ce qu’ils ressentent, on pleurera avec eux, on angoissera avec eux, on s’énervera avec eux, il n’y a pas de trahison de l’écriture des personnages. Nous sommes attachés aux personnages principaux et secondaires grâce à leurs échanges qui renforcent leur caractérisation, c’est la force de ces nouveaux films face à la trilogie d’origine où seuls Wolverine était développé, ici tous le sont d’une manière ou d’une autre.
Bien sûr, tout n’est pas rose (enfin noir), il y a des soucis qui viennent entacher l’œuvre, principalement un dialogue ultraféministe lourdingue en début de film arrivant et repartant comme un cheveu sur la soupe et, surtout, un ennemi extraterrestre avec lequel j’ai eu du mal, x-men ayant toujours été une saga terre à terre, partir dans cette voie dénote, d’autant que cet ennemi manque de développement pour le coup et manque parfois, de peu, de rabaisser le film au niveau d’une série X-files ou d’un nanar horrifique. Ce n’est pas la performance de Jessica Chastain que l’on retiendra, plutôt son mérite à faire tout le métrage en talons, volant ainsi le record de Bryce Dallas-Howard dans Jurassic World.
Le film se déroule dans les années 90, il n’y a cependant aucun clin d’œil nostalgique comme c’est le cas dans bon nombre de films actuels qui se forcent là-dessus pour attirer un peu plus de monde par la force des souvenirs de l’enfance. Ainsi, le film évite vraiment tous les points « marketing » du cahier des charges moderne formaté par le MCU, c’est sans doute pour cela qu’il déçoit tant et que je l’apprécie tant. C’est sans doute pour cela que j’ai eu beaucoup d’émotion à l’arrivée du générique, l’émotion d’assister à la fin d’une grande saga qui a lancé un standard du film de super-héros avant de s’en émanciper avec les films des années 2010 nés dans un monde bien différent, quitte à se faire descendre par une critique exigeant désormais massivement des films industriels sans âme et superficiels à tous les niveaux avec obligation de rire à chaque minute sans se soucier de rien car tout finira forcément bien. Dark Phoenix, c’est la fin d’une époque, les mutants rejoignent désormais l’abattoir Disney, l’usine à insipidité qui fera, sans nul doute, renaître le Phénix de ses cendres pour mieux l’abattre en vol en lui retirant toute sa puissance dramatique, sombre et mature. Quel dommage.