Madres de los dioses : les secrets du tournage

C'est en faisant des recherches pour l'écriture de son premier long métrage, Salamandra (2007), que Pablo Aguero a mis la main sur un rapport secret de la gendarmerie qui recensait plus de 60 religions, cultes et courants mystiques dans la petite ville d'El Bolson en Patagonie. Devant le constat de cette incroyable concentration, le metteur en scène a décidé de filmer le portrait de cette vallée mystique.

Parce que réaliser un film sur 60 personnages n'aurait que peu de pertinence, Pablo Aguero a choisi de se centrer sur un nombre restreint de personnes qu'il a suivies pendant longtemps. Il s'agit pour la plupart de femmes vivant avec leurs enfants dans des conditions très précaires. Le réalisateur explique :

"Un monde post-apocalyptique où les hommes sont aussi absents que les dieux et les gouvernements. Un monde où les institutions, les dogmes et codes sociaux n'existent plus. Ou tout reste à inventer. Un monde de femmes, de mères seules qui bâtissent leur propre maison, érige des temples avec leurs propres mains, imaginent des dieux à la mesure à la mesure de leur foi la plus intime."

Puisque Pablo Aguero s'est dit que Dieu devait être une femme, le cinéaste a choisi Géraldine Chaplin, la fille du dieu du cinéma, pour être la narratrice du film. "Une femme dont le visage de déesse ancienne assume les années, mais dont le regard demeure enfantin", confie le metteur en scène argentin.

Persuadé que nous nous trouvons dans l'ère de la femme et que les hommes ont un rôle clé a y jouer, Pablo Aguero envisage à nouveau traiter de la question féminine dans ses prochain projets :

"Mon film sur Eva Peron, l'une des grandes figures féminines de l'Histoire, Eva ne dort pas, est récemment sorti en salles. J'ai écrit un film sur la chasse aux sorcières, dans le pays basque français, au 17ème siècle. Un autre sur une femme japonaise qui doit guérir d'une maladie inconnue. Un troisième sur un braqueur français, mais aussi sur sa femme et sa fille, qui ont passé leur vie à attendre ses rares brèves de sorties de prison. Je ne sais pas dans quel ordre je les tournerai, cela dépend des financements. Je sais seulement que j'irai jusqu'au bout."

"Ce film est d’abord un voyage géographique et une quête personnelle. Mais au fur et à mesure qu’il nous plonge dans l’intimité des personnages, il devient un voyage mental au cœur de leur cosmogonie. Mon premier souci est d’atteindre cette intimité profonde sans tomber dans une sorte d’hyperréalisme voyeuriste. Aujourd’hui, les gens sont trop conscients du langage audiovisuel pour être spontanés devant la caméra. Je voudrais alors essayer la démarche contraire : au lieu de leur demander de « faire comme si la caméra n’était pas là », les laisser aller jusqu’au bout de leur représentation. Ils jouent les personnages qu’ils se sont construits, déploient leur mise en scène liturgique, développent leur discours théologique. Je ne les remets pas en question. Pour mieux les dénuder, je filme leur masque."