Faire un remake du fameux "Projet Blair Witch" est une idée plus que risquée tant le métrage de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez a été une véritable petite révolution dans le cinéma de genre. Pourtant, lorsque j’ai appris que le projet serait confié à Adam Wingard, un soupçon de confiance m’a envahi : si ce gars qui avait réussi à me surprendre si agréablement dans "V/H/S 1&2", "You're Next " et "The Guest" était aux commandes, je me suis dit qu’il allait forcément apporter quelque chose à cette suite/remake…ma déception ne fut que plus grande !! Tout d'abord, il faut noter que ce "Blair Witch" débarque aujourd'hui alors que la mode du found-footage est arrivé en bout de course, surexploitée jusqu’à l’overdose et donnant la plupart du temps naissance à des bobines navrantes de nullité (la saga "Paranormal Activity", "The Jungle", "Exits", "Pyramide", "The Devil Inside", "Gallows", "Smiley", "The Visit"). Et puis soyons franc, il est très difficile d'ajouter quelque chose de nouveau que n'ont pas déjà fait les piliers du genre ("Cannibal Holocaust", "[REC] 1&2", "Cloverfield", "Troll Hunter", "Chronicle"). Ensuite, l'astuce scénaristique (plutôt le « prétexte ») qui relie cette suite/remake au film l'original est à la limite de la facilité (« fainéantise » ?) : en voyant les images du 1er film sur le net, le petit frère d'Heather est persuadé que sa sœur est toujours vivante et décide donc de se rendre avec des amis dans la forêt de Bursketville pour la retrouver...super, voilà un scénariste qui a bien mérité son chèque ! Et après cela, "Blair Witch" veut tellement s'éloigner de son modèle que ça devient un grand n'importe nawak d'une force incroyable où la surenchère est le leitmotiv principal : 01) le film original proposait 3 personnages, on vous en donne 6 ! 02) l'original se contentait de quelques caméras et peu d'angles de vue, ici on a des appareils photos-caméra, des caméscopes, des Go Pro, chaque protagoniste à une mini-caméra accrochée à l'oreille (ça, cela permet au moins d'éviter les questions ironiques que se bouffent dans les dents tous les found-footage du genre « Pourquoi il continue de filmer ? », « Il garde sa caméra avec lui même pour pisser ?! », « C’est qui qui tient la caméra là ? », « Cette caméra est la seule au monde à avoir une autonomie de 150 jours !! »), un GPS et même un drone avec une caméra intégrée...on est au XXIe siècle on l'a bien compris...mais le comble c'est que les piles des lampes de poche tombent toujours à plat quand il faut pas (chuuuut : il paraît que c'est à cause de la sorcière !!...sorcière bizarre puisqu'elle empêche les piles et le GPS de fonctionner mais pas les caméras !) 03) le film de Myrick et Sánchez proposait une horreur radicale et assumée refusant le spectaculaire et jouant essentiellement sur le hors champ, laissant le spectateur dans l'interrogation, ne sachant pas finalement si les évènements sont réellement dus à une force surnaturelle ou à une bande de rednecks du coin complètement tcharbés (cela contribuait grandement justement à la « légende » de Blair) ; ici le doute n'est plus permis : les troncs d'arbres et les tentes volent dans tous les sens, les modules dans les arbres agissent comme poupées vaudous (ce qui amènera d'ailleurs la mort la plus graphique et jouissive du métrage : pauvre « manga girl » !), la nuit ne s'arrête jamais, des flashs lumineux derrières les volets aveuglent les protagonistes, et cerise sur le gâteau :
la sorcière à enfin un corps (là aussi grosse déception vu la tronche du bestiau : on dirait que Gollum s'est tapée la nana possédée de "[REC]"...c'est pour dire !!)
Vous n'avez pas d'autres choix que d'accepter l'explication du réal et de laisser au placard vos hypothèses ! 04) Les personnages agissent vraiment en dépit du bon sens :
on part chercher du bois tout seul dans une forêt maléfique, on est coincé dans une sorte de cave mais on va essayer de sortir en passant par une cavité sombre et étroite remplie de gadoue qui semble s'enfoncer dans les entrailles de la terre, un personnage à la jambe blessée et purulente va se mettre à faire de l'escalade sans aucune gêne, les protagonistes se séparent dans des directions opposées et finissent toujours par se retrouver en se jetant dans les bras de l’un l’autre
(au passage cela nous permet de nous prendre dans la tronche un bon vieux jump scare avec explosion sonore à la clé....une fois : ok...deux fois : pourquoi pas...trois fois : ça commence à être reloud...quatre fois : là c'est chiant...cinq fois : on avale trois boîtes de cachets en se mettant une corde au coup et on se tire une balle dans la tête au dessus d'une baignoire d'acide !!!!) Alors voilà, Adam Wingard a beau être un talentueux réalisateur, il ne peut pas changer de l’excrément en or : le projet était à la base avarié, rien ne pouvait le sauver. Moins intéressant, moins ouvert d’esprit, moins prenant, moins subtil, plus bling bling, plus bordélique et plus commercial que son illustre modèle, "Blair Witch" se contente de remplir le cahier des charges l'horreur moderne et industrielle (vous savez, comme ces trains fantômes ou maisons hantées des foires où tout vous saute au visage pour vous faire peur : ça marche 5 secondes puis l’illusion disparaît aussitôt). Il ne reste donc qu’une bobine anecdotique de plus au sein un sous-genre qui a depuis longtemps dépassé sa date limite d’expiration et qui restera toujours dans l’ombre de son ancêtre qui, lui, demeura culte à jamais…Si vous êtes jeune, que vous allez au ciné de temps en temps et que vous n’avez jamais vu "Le Projet Blair Witch", alors vous pourrez apprécier le visionnage de "Blair Witch" ; pour les autres : circulez, y’a RIEN à voir !