"Une vie violente" raconte la trajectoire d'un jeune bastiais "de bonne famille" et de ses amis au sein d'un mouvement indépendantiste corse. S'il n'est pas très abouti et assez inégal, le film de Thierry de Peretti s'annonce néanmoins comme l'un des plus importants de l'année pour le cinéma français. Le long-métrage se veut quasi documentaire et en même temps romancé car décrivant l'apprentissage d'un héros à la fois acteur et témoin de sa propre histoire. Si le sujet, ambitieux et passionnant, arrive à captiver, la façon de le traiter, cependant, déroute. L'approche est réaliste, le propos instructif mais les dialogues, trop explicatifs et dénués d'une simplicité essentielle dans un film comme celui-là, fatiguent et empêchent le spectateur de rentrer dans l'histoire. Peretti utilise le point de vue interne mais semble délaisser son personnage - à l'instar de celui qui l'interprète, Jean Michelangeli, peu inspiré et peu inspirant -, préférant raconter tout ce qui se passe autour de lui, comme s'il n'était qu'un prétexte. Cela aurait été opportun, et même assez malin, si le héros n'était pas aussi présent à l'écran (et qui plus est aussi vide). On ne s'attache pas à lui donc on se fiche de ce qui peut lui arriver, or c'est justement le point de départ du film. La mise en scène, très distante, laisse les personnages évoluer et brosse des situations souvent puissantes, parfois quelconques, toujours vivantes. Quoi qu'il en soit, Peretti n'émet aucun jugement de valeur, il se contente de constater, et le constat est terrible ; en Corse le nationalisme est lié par le sang avec le banditisme, et la société en est complice. C'est ce qui est intéressant dans "Une vie violente", et c'est ce que le réalisateur réussit le mieux à raconter : l'absence de frontière entre le bien et le mal, le flou entre les criminels et les terroristes, la schizophrénie d'une société qui se veut ancestrale et indépendante mais qui joue et jouit en même temps de l'influence économique du continent. Finalement, il semble se dégager du film une impression d'éternité, à travers les nombreux anachronismes qui le parsèment (comme pour dire que la Corse était, est et sera toujours la Corse) et à travers certaines scènes dont la dernière, qui laisse, avec une rare mélancolie, le héros comme le spectateur en suspens, face au néant.