Je peux le dire, Melville est sûrement mon réalisateur français préféré, car si ses films ne sont pas toujours au top sur le plan du scénario, comme c’est le cas ici du reste, la forme… Il n’a pas de concurrents. Le soin apporté aux cadrages, aux mouvements de caméra, d’une originalité folle, l’attention minutieuse aux moindres détails et éléments du décor, sa capacité à filmer les scènes en extérieur et à rendre extrêmement vivant le Paris des années 1950 lorsque tant de films d’époque étaient tournés en studio avec trois scènes d’extérieur, l’audace avec laquelle il filme la sensualité d’Isabelle Corey, tout cela fait de ce Bob le Flambeur une nouvelle pépite formelle dans ce que j’ai déjà vu de la filmo de Melville. On est au niveau de maniaquerie formelle d’un Kubrick. De surcroît la bande son, très avant-gardiste pour l’époque, colle à merveille à la modernité du métrage.
Toutefois, cette réussite visuelle tranche un peu, ici, avec le caractère assez anodin de l’intrigue. On est sur un métrage assez lent, surtout dans sa première partie, sans enjeu vraiment notable, et qui déroule, dans sa seconde partie, mollement une histoire de braquage des plus classiques. On sent Melville tendre les ficelles de son suspense. C’est pas inintéressant à suivre, mais si ce n’est pas inintéressant, ce n’est pas grâce à l’intrigue, mais d’abord aux excellents personnages du film. En effet, ce personnage de Bob le Flambeur est très bien écrit, très plaisant et fort bien interprété par Roger Duchesne. Autour de lui des figures un peu plus classiques du polar français mais avec du relief, notamment Daniel Cauchy dans la peau d’un Don Juan maladroit. A noter la présence étonnante d’Isabelle Corey. Son jeu, étrange au début, fini par donner à son personnage une aura particulière et séduisante, ce que son physique qui aurait dû en faire un authentique sex symbol de son temps accentue de surcroît ! Etrange que sa carrière n’ait pas décollé, au moins dans la série B, car elle a une photogénie certaine. Malgré la bonne interprétation et de solides personnages, on pourra peut-être trouver les dialogues un peu trop écrits. Visiblement là aussi Melville ne laissait pas place à l’impro du tout, et les acteurs sont parfois amener à déclamer un peu trop, ce qui fait que les répliques ne sont pas toujours naturelles. Ca saute aux yeux avec Isabelle Corey, heureusement, ça colle bien avec son personnage jmenfoutiste et provocant.
En conclusion, Bob le Flambeur est un très solide polar des années 50. Visuellement parfait, on regrettera que Melville n’ait pas développé une intrigue avec plus de relief et de consistance pour pousser ce film au même niveau que d’autres de ses réalisations, notamment Le Cercle rouge. A voir cependant, car ça démontre la qualité du cinéma français de cette époque même dans des œuvres un peu plus mineures. 4