Tout le monde connaît la réputation d’Alfred Hitchcock. Il a suscité tellement d’admiration que sa seule ombre suffit à faire frémir. En effet, le cinéaste britannique n’avait pas son pareil pour captiver les spectateurs au prix d’un suspense insoutenable. Ce n’est quand même pas pour rien qu’on l’a qualifié de maître du suspense ! Eh oui, comme indiqué dans sa biographie, il aime surprendre le public. Et bien c’est justement le cas de "La main au collet". Ce long métrage est surprenant à plus d’un titre, que je vais essayer d’énumérer en trois points. 1°/ Le titre : il est la parfaite vitrine d’un pitch totalement loufoque, mais sur lequel il y avait matière à jouer avec le suspense. Réfléchissez bien : John Robie dit « Le chat » (Robert Georges en version française), un cambrioleur rangé depuis de très nombreuses années voit sa paisible vie dérangée par un imitateur qui fait rage sur la Côte d’Azur, non loin de chez lui. Seulement voilà : le voleur est absolument insaisissable, et Robert fut si doué à son époque que tout le monde croit qu’il a repris du service. Et par la même occasion, le spectateur en doute puisque cet homme s’évertue à fuir la police. Sa raison ? Il estime être le seul à pouvoir confondre le vrai coupable et à tant qu’à faire le prendre la main dans le sac ! Mais avouez qu’en cette année 1955, l’idée générale était plutôt cocasse ! Nous ne la devons non pas à Hitchcock pas plus qu’à son scénariste John Michael Hayes, mais à l’écrivain David Dodge qui voit là son roman adapté à l’écran. Le sujet est si original (à l’époque), qu’il n’en fallait pas plus pour intégrer un peu d’humour, pour le coup bien venu. C’est là qu’intervient le second point. Donc voici le 2°/ L’humour : Les premières banderilles interviennent entre le revanchard Robert (inusable Cary Grant) et la jeune Danielle (Brigitte Auber), puis entre le joli cœur Robert et la riche héritière Frances Stevens (Grace Kelly). L’humour fait donc bel et bien partie des choses surprenantes. Non pas qu'Hitchcock ne s’en est jamais servi, mais ici l’humour amène un vent de fraîcheur, de légèreté. C’est assez bien vu par rapport à la teneur du sujet, propice à des cavales pas possibles et à des courses-poursuites. C’est là qu’arrive mon troisième point. Tadaaammmm !!! 3°/ Les décors : tout n’a pas été tourné en studios. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Hitchcock nous sert quelques scènes en vrais décors extérieurs. Si, si !! Au moins, nous pouvons voir deux véhicules se poursuivre à travers la Provence, ou se suivre plus gentiment à travers cette même Provence, tout en régalant l’œil du spectateur des paysages typiques de la région : les routes torturées, les causses, les mas, les villages perchés sur leur tertre rocheux mal cachés par les arbres dont on se demande encore comment ils peuvent pousser là-dedans… Et pour ce faire… eh ben pas le choix : un hélicoptère ! Si je ne me trompe pas, c’est une première chez Hitchcock ! Pas étonnant que "La main au collet" ait récolté une nomination pour la meilleure direction artistique (les meilleurs décors, quoi). A côté de ça, Hitchcock a parfaitement su brouiller les pistes une nouvelle fois. Parce que finalement, jusqu’au dernier moment le spectateur ignore si effectivement il y a un imitateur ou s’il est mené en bateau. Dans tous les cas, l’incertitude plane jusqu’au dernier moment, ce qui rend la chute finale imprévisible. "La main au collet" n’est pas pour autant le film préféré de ses admirateurs. Pourquoi ? Parce que le couple que forment Gary Cooper et la belle Grace Kelly prend beaucoup de place. C’est tout juste si ça n’occulte pas l’enquête. Bon eh bien moi je vais dire que d’abord les deux acteurs sont très agréables à regarder. Ils prennent visiblement beaucoup de plaisir à se donner la réplique, ce qui rend le couple assez glamour. Après, on ne va pas occulter non plus les minauderies de Jessie Royce Landis en riche américaine, ni la séduction ostentatoire de Danielle Foussard (Brigitte Auber). Se pourrait-il que Cary Grant soit vraiment irrésistible ? Bon, on ne va pas cracher non plus sur les vociférations exquises de Germaine (Georgette Anys). Pour en revenir à la grande place réservée à Cary Grant et Grace Kelly, je dirai ensuite que c’est une façon pour le cinéaste de prendre son temps, et de pousser le spectateur à suspecter n’importe qui, y compris Frances Stevens ! En procédant de la sorte, le suspense est superbe de subtilité. De ce point de vue-là, c’est très réussi. Après tout, n’est-ce pas plus mal qu’Hitchcock apporte quelques variantes à ce qu’il a l’habitude de faire ?