Dans le genre gestation difficile, on peut dire que l'accouchement de ces "Nouveaux Mutants" sur grand écran s'est fait dans la plus terrible douleur. Imaginez un peu, cette treizième excroissance de la saga "X-Men" (et dernière avant que les chouchous du Professeur Xavier soient rebootés sous l'égide du MCU) aurait dû arriver sous nos yeux en avril 2018, soit il y a plus de deux ans !
Alors que s'est-il donc passé pour ce spin-off pourtant diablement prometteur en tant que premier long-métrage mixant univers super-héroïque et horreur et qui, dans les faits, avait le potentiel de se démarquer des errements des derniers opus de la franchise-mère par son originalité de ton ? On n'entrera pas dans les détails du chemin de croix traversé par ces "Nouveaux Mutants" mais sachez juste qu'avec sa post-production calamiteuse où sont intervenus des divergences de visions, le rachat de la Fox par Disney, des reshoots à des étapes improbables et un destin très longtemps laissé en suspens (on parlait même d'une sortie sur la plateforme Disney + !), le film fait figure de grand miraculé devant aux mieux gérer ses séquelles post-traumatiques sans pouvoir en plus revendiquer le côté inédit de son mélange des genres vu qu'un certain "Brightburn" s'y est déjà aventuré entre-temps (sur un créneau quelque peu différent, il est vrai) !
Avec des attentes mesurées, on espérait toute de même que ce statut de film miraculé aille de pair avec une qualité elle aussi un minimum miraculeuse mais "Les Nouveaux Mutants" vont hélas vite couper court à notre optimisme.
Dans le fond, le principe même du film (des mutants aux pouvoirs dangereux et soignés dans un mystérieux institut se retrouvent assaillis par des visions cauchemardesques) est bien là, aussi excitant qu'on pouvait l'imaginer, mais Josh Boone ne va rien faire pour que l'on s'y passionne à sa juste valeur. Le montage extrêmement aléatoire de la première moitié du film n'est sûrement pas de son fait, certes, (c'est vraiment ici que l'on sent un enchevêtrement de séquences charcutées dans tous les sens), mais la présentation de tous ces adolescents en crise (symbolisés par la non-maîtrise de leurs pouvoirs), de leurs démons intérieurs prenant soudainement vie et de cet environnement hospitalier inconnu se déroulent dans des sommets de platitude.
Pas du tout à l'aise sur le terrain horrifique (les premières apparitions s'enchaînent dans l'indifférence générale) ou pour entretenir le mystère sur la nature de cet endroit (la sous-intrigue à ce propos sera le seul pont direct avec la saga "X-Men" hormis l'aspect mutant), Josh Boone préfère passer la plupart du film à dresser le portrait très simpliste de chacun des protagonistes et la dynamique de groupe qui en découle, notamment par la mise en avant d'une relation amoureuse ado abordée à la façon d'un "Nos Étoiles Contraires" du pauvre (la scène du cimetière y renvoie assez clairement) ! Avouez que vous n'étiez pas vraiment venus là pour ça, hein ?! Sans compter que le bonhomme ne fait pas preuve de la plus grande subtilité pour cela, on sourira d'ailleurs beaucoup de ses critiques à l'encontre du baiser LGBT polémique dans le dernier "Star Wars" prononcées lors de la promotion du film quand on découvrira que, pour souligner l'homosexualité d'une des héroïnes, il la met en scène en train de regarder un épisode de "Buffy" avec les personnages de Willow & Tara ! Une finesse aussi incroyable que la coupe de cheveux forcément garçonne de cette adolescente en quête d'identité...
Peut-être parce que Josh Boone vous un culte à la célèbre tueuse de vampires, "Buffy" sera une nouvelle fois ouvertement cité comme la source d'inspiration du meilleur traumatisme d'un personnage qui va enfin permettre de donner des signes de vie plus consistants sur l'encéphalogramme jusqu'alors franchement plat de ces "Nouveaux Mutants" (seule la découverte de quelques pouvoirs nous aura tenu éveillé pendant les deux tiers de sa durée au bout du compte). On fait bien évidemment référence à Illyana Rasputin (aka Magik, interprétée par Anya Taylor-Joy), la peste en réalité fragile qui avait déjà le mérite de bousculer ses petits camarades dans leurs errements sans but au sein de l'institut mais qui, cette fois, va enfin précipiter les événements de toute cette histoire par l'intermédiaire de ses propres peurs !
Dès lors, la dernière demi-heure des "Nouveaux Mutants" déroulera le tapis rouge à sa bataille finale qui divisera les spectateurs par la découverte de pouvoirs très particuliers. En effet, si vous êtes venus avec un minimum de connaissances sur les personnages en amont, les voir passer à l'action grâce à leurs capacités sera forcément un brin plus enthousiasmant que tout ce qui a précédé, et ce en dépit d'un manque d'envergure certain niveau réalisation (même là, c'est la singularité de Magik qui l'emporte). Dans le cas contraire, ce climax risque de vous achever par ses maladresses scénaristiques amenant comme un cheveu sur la soupe certains éléments difficiles à avaler pour tout esprit cartésien.
Plus que les révélations sur de sombres histoires d'ours ou d'institut qui n'étaient des mystères pour personne après la première demi-heure du long-métrage, c'est cette préconfiguration de spectateur qui risque de vous faire avoir un minimum d'indulgence ou non pour "Les Nouveaux Mutants", un film ayant définitivement souffert de sa post-production interminable mais qui ne se sera jamais vraiment donné les moyens de prouver l'intérêt de sa proposition pourtant si géniale sur le papier.