C’est après les événements qui ont eu lieu en Egypte en 2013 que Mohamed Diab et son frère Khaled ont évoqué l’idée de Clash. Tous les deux avaient la certitude qu'il s'agissait de la meilleure histoire pour parler de l’Egypte de 2013 et de celle d’aujourd’hui. "Les forces en présence, et en conflit, étaient les mêmes : les révolutionnaires, les Frères musulmans, et l’armée. Ironiquement, le seul sujet qu’on a pu trouver sur la révolution, c’est son échec", se rappelle le metteur en scène.
Mohamed Diab et son frère ont écrit treize versions du scénario. Pour les comédiens, les deux hommes ont choisi des gens qu'ils connaissaient et des Egyptiens lambda. Ils voulaient mélanger plusieurs visages de l’Egypte sans pour autant établir un panel au sens sociologique (la proportion entre les Révolutionnaires et les Frères musulmans est moins équilibrée dans la vraie vie). Le cinéaste développe :
"Les premiers personnages sont évidemment le journaliste et son photographe. Le premier est inspiré de Mohamed Fahmy, un journaliste égypto-canadien qui travaillait pour Al-Jazeera et qui a passé un an et demi en prison, avant d’attaquer la chaîne qui l’avait laissé tomber. Dans le film, il est devenu égyptoaméricain, c’était une manière de parler de la xénophobie de plus en plus forte en Egypte, de la théorie du complot étranger qui devient permanente. Zein, le photographe, est inspiré de Mahmoud Abou Zied, dit Shawkan, qui couvrait les manifs pour un journal égyptien et qui est en prison depuis presque trois ans maintenant. Shawkan était du côté de la Révolution, mais dans ces jours-là, tout le monde pouvait se faire arrêter, et a fortiori les journalistes que chaque camp considérait comme des traitres. D’une certaine façon ces deux-là me représentent : moi aussi je fais des images et moi aussi je suis claustrophobe."
Clash était un film difficile à faire selon Mohamed Diab. Un an avant le tournage, l'équipe a construit une réplique du fourgon en bois qui a été installée dans un appartement. Le réalisateur se rappelle : "On y a répété pendant plusieurs mois, avec les acteurs, qui nous ont aidés à peaufiner les personnages. On a commencé par improviser et l’écriture s’est affinée peu à peu. Et puis on a filmé ces répétitions : c’était comme tourner le film une première fois, ça nous a donné une sorte de story-board « live ». Parallèlement, on a fabriqué le fourgon du film, copie conforme de ceux de la police. On pouvait vraiment le conduire… Le film a été tourné dans huit mètres carré, en 26 jours, avec tous les acteurs présents en permanence."
Avec Clash, Mohamed Diab souhaite faire passer un message d’espoir au peuple égyptien : "Si l’on continue comme ça, on ne s’en sortira pas mais je continue de rêver où quelqu’un issu de la Révolution qui ne représente aucun mouvement pour gouverner en Egypte."
Mohamed Diab a fait le choix de ne pas montrer dans son film les frères musulmans en train de prier. Il confie ainsi avoir coupé une séquence assez drôle dans laquelle plus personne dans le fourgon ne savait où se situe La Mecque et tous priaient dans des directions différentes. Le metteur en scène justifie ce choix : "Mais si je montrais les Frères en train de prier, on m’aurait dit : « Ah, les vrais croyants, ce sont donc eux ! » Je sais que chaque scène de Clash va être analysée, scrutée, interprétée. J’ai tenté de me débarrasser des controverses les moins importantes."
Le réalisateur Mohamed Diab explique comment la fin de son film doit être comprise par les spectateurs : "Le fourgon est pris dans une manifestation chaotique. Ni les personnages, ni les spectateurs ne peuvent dire dans quel camp se situent les manifestants. L’ironie, c’est que les détenus se battent depuis le début pour sortir du fourgon et que là, face à la folie meurtrière, ils se retrouvent à s’entraider pour rester à l’intérieur. Est-ce qu’ils vont mourir ? Je ne sais pas. Le pronostic n’est certes pas très bon, mais c’est assez proche de notre situation en Egypte."
Clash a récolté plus de 5 millions de livres égyptiennes (soit environ 500 000 euros) en un peu plus d'un mois lors de sa sortie en salles dans ce pays.