Ma révolution : les secrets du tournage

Ramzi Ben Sliman explique que ce qui lui a donné envie de faire ce film, c’est cette explosion de l’Histoire qu’a constitué le Printemps Arabe. Le metteur en scène confie ainsi avoir créé le personnage de Marwann en opposition au sacrifice héroïque de Mohamed Bouazizi, ce jeune Tunisien humilié et désespéré, qui a répondu à la violence du pouvoir en se laissant consumer par les flammes :

"C’est ce sacrifice, cet acte individuel et isolé qui déclenchera la chute du tyran. Ce jeune Tunisien a ouvert sans le savoir la porte de l’Histoire. C’est à l’inverse de ce schéma que se sont dessinées l’idée du personnage de Marwann et de son imposture : l’adolescent exploite un évènement d’une ampleur historique dans le simple but d’attirer l’attention de Sygrid, dont il est fou amoureux. Le désir du film est aussi plus intime. Cette Révolution a ouvert une faille dans ce que je suis : un français - fils d’immigrés tunisiens."

Ramzi Ben Sliman raconte avoir participé aux manifestations célébrant la chute de Ben Ali à Paris, poussé par un sentiment profond d’appartenance à un pays qu'il connait peu. Le réalisateur raconte que ces évènements ont déclenché "le dégel d’une origine" d'après ses propres morts, autrement dit le fait que la Tunisie renaissait en lui après une forme d’hibernation. Il développe :

"Il m’a fallu alors trouver un équilibre dans le positionnement de soi : Tunisien, Français, les deux, ni l’un ni l’autre... Puis peu à peu, au cours de l’écriture, j’ai préféré admettre la complexité du sentiment d’appartenance. Je l’ai relié directement au parcours de Marwann : en France il est chez lui, en ce qu’il y est reconnu, attendu et aimé. Sa langue maternelle est le français, une langue dans laquelle il invente sa vie. Mais, la langue maternelle est aussi la langue de la mère, le tunisien pour Marwann."

Comme les protagonistes du film, Ramzi Ben Sliman s'est rendu en Tunisie et s'est naturellement senti partie prenante de l’énergie en acte. Le cinéaste ajoute : "Un Etat était en train de se construire sur la victoire du peuple contre la tyrannie. Dès lors, la Tunisie devenait pour moi une terre de conquête des libertés, une exportatrice d’idéaux, et non plus un ancrage généalogique à problématiser. C’est dans ce tourbillon qu’est jeté Marwann. Il doit domestiquer ses sentiments, comprendre, expérimenter. Ainsi, grâce à ses mensonges, Marwann découvre l’amour, il s’intéresse pour la première fois à la politique, à ses origines, il se dresse contre ses parents, il assume ses erreurs : il grandit."

Né dans la capitale française, Ramzi Ben Sliman tire son amour et apprentissage du cinéma de son père qui exerçait la profession de projectionniste ambulant. Après des études en économie dans le magistère de l’École Normale Supérieure, il enseigne les mathématiques à l’université. Rattrapé par sa passion, Ramzi s'essaye à la mise en scène pour le théâtre en adaptant et dirigeant L’Etranger d'Albert Camus au Studio Théâtre 14. Il réalise ensuite deux courts métrages, Mon homme (2007) et En France (2010), avant de sauter le pas et concevoir son premier long qui est Ma révolution.