Il est difficile de trouver les mots pour parler du film de Thomas Bidegain qui est à la fois très dense, très maîtrisé, qui s’étale sur une période de plus de 10 ans tout en restant en permanence « à hauteur d’homme ».Il laisse au final, au sortir de la salle, une impression de force émotionnelle bien réelle mais difficile à expliquer. Le film nous entraine de villes en villes, de pays en pays jusqu’au Pakistan, il s’étale de 1994 à 2008 ou 2009 : la chronologie n’est jamais précise mais les grands attentats terroristes subit par le monde occidental sont évoquée comme des points de repère. Un flash télévisé pour New-York 2001, une conversation pour Atocha 2004, un flash radio pour Londres 2005, comme autant de piqures de rappel pour Alain et surtout son fils Georges, une piqure qui leur rappelle que leur quête de Kelly se fond dans une histoire qui les dépasse, qui nous dépasse tous. Mais, à part ces petits repères temporels, le film de Bidegain ne porte aucun jugement sur l’Islam, le terrorisme, l’intégrisme, la géopolitique, la guerre des civilisations ou que sais-je encore. Ces notions là dépassent un père et son fils qui ne sont mus que par une seule chose, retrouver une fille et une sœur. Elle aurait été embrigadée dans une secte évangélique que leur combat aurait été le même. C’est un parti pris tout à fait compréhensible puisque « Les cowboys » projette des gens ordinaires, des français moyens dans un monde qui leur est complètement étranger, qu’ils tentent de comprendre sans y parvenir vraiment. Le scénario est très dense et les 1h45 nous laissent un peu groggy, vu qu’on a suivi un périple incroyable (et parfaitement crédible), ponctué de retour à la maison (dans une famille qui bien entendu explose), ponctué aussi de moment de grande tension, voire de grande violence (les scènes au Pakistan sont très tendues) et rythmé par des moments de désespoirs bien compréhensibles. Il y a au milieu du film un coup de théâtre dont évidemment je ne dirai rien mais que je n’avais pas vu venir et qui remet tout le film sur des rails un peu différents. On pourrait croire que c’est François Damiens qui porte le film sur ses solides épaules. Dans « Les cowboys » il est juste déchirant, tout en sobriété et en douleur rentrée (qui n’explose que par moment, mais forcément avec violence). Il campe un Alain obstiné jusqu’à la déraison, un père aimant qui ne comprends pas que tout l’amour qu’il donnait à sa fille n’ai pas suffit à la retenir. Mais en réalité, c’est le jeune Finnegan Oldfield qui porte « Les cowboys » sur ses jeunes épaules. Fils bringuebalé dans toute l’Europe par un père devenu presque fou, on le croit passif mais en réalité sous son air d’adolescent indolent, c’est lui qui ira le plus loin dans tous les sens du terme pour revoir sa sœur. La scène finale, muette, est d’une force émotionnelle palpable et elle résonne pour Georges comme le point final qu’une quête vaine à laquelle il faut renoncer. Parce qu’en filigrane, c’est bien de la résilience qu’il est question dans « Les Cowboys », il y a des choses inacceptables qui doivent être acceptées et des pages qui doivent être tournées coute que coute, ce que le jeune garçon comprendra, contrairement à son père. Il y a aussi deux jolis rôles féminins pour Agathe Dronne et Ellora Torchia, des rôles un peu en retrait mais tenus avec une beaucoup de sensibilité. Dans la forme pas grand-chose à redire, Thomas Bigelain, sait placer sa caméra, faire des jolis plans fixes, tourner caméra à l’épaule quand il le faut (et sans donner mal au cœur !), son film est rythmé et il baisse rarement en intensité même si il y a des scènes plus fortes que d’autres. Il utilise très bien la musique (la scène de l’autoroute) et lui donne une place importante mais pas envahissante. D’ailleurs la musique des « Cowboys », signée par Raphaël Haroche, est très agréable à l’oreille (non, ce n’est pas de la country music et heureusement !) et donne du relief aux images. Le générique de fin est ponctué par une version surprenante (et tout à fait pertinente au regard du titre, des paroles du refrain) de « Smalltown boy », célèbre tube des années 80, qu’on reconnait à peine. Au niveau des petits défauts, je ne sais trop quoi dire sinon que le propos est aride, le film est assez sombre et au final assez pessimiste et que çà ne conviendra sans doute pas à tout le monde. Le fait qu’il ne porte quasiment pas de jugement sur l’Islamisme et le terrorisme peut déplaire, ça peut passer aux yeux de quelques uns comme une sorte de lâcheté, surtout par les temps qui courent. Le parti-pris de Bidegain est de rester à hauteur d’homme, à hauteur d’une vie, à hauteur d’un père qui recherche juste une fille, d’un frère qui recherche juste une sœur, je trouve que c’est un parti-pris qui se défend tout à fait.