Le film s’est écrit sur une longue période et s'est progressivement transformé au film des années, passant d'un documentaire à une oeuvre davantage "fictionnée". Le metteur en scène et scénariste David Yon revient sur la genèse de La Nuit et l'enfant :
"Pendant le tournage de mon premier film à Djelfa en 2007, Les Oiseaux d’Arabie, j’ai rencontré des jeunes gens de mon âge, les frères Lahrech, Salah, Ilyes, Idriss et Boubaker, qui sont devenus mes amis. Je suis retourné les voir régulièrement et mon désir de faire un film avec eux et leurs proches a grandi. La première idée était de travailler autour de leur arrière grand-mère espagnole qui avait été enlevée par l’Emir Abdelkader et mariée à l'un de ses lieutenants. Il s’agissait de trouver à partir de l’histoire de leur famille quelque chose entre fiction et documentaire. Mais lorsqu’on a commencé à interroger des personnes de leur entourage autour de cette aïeule, je me suis rendu compte que cette histoire était source de débats qui intéressaient plus la génération de leurs parents que la leur. A partir de ce moment là, on s’est vraiment plus tourné vers la fiction. Comme l’idée était de partir d’eux, de faire le film avec eux et de ne pas plaquer mes idées, on a essayé de voir quelle fiction on allait pouvoir faire ensemble. La seule chose que j’ai amenée est cette idée formelle de soleil qui ne se lève plus, pour aller vers une image où le visible se raréfie. Comme avec la HD tout est très défini, c’est une image trop pleine, j’avais envie de travailler dans l’obscurité, dans les clairs obscurs pour qu’il y ait une image plus mystérieuse. On a fait un casting tous ensemble avec leurs amis. Comme leur modèle de fiction était plutôt le film d’action, ils se sont dits que la scène de casting serait de faire un tour avec un fusil dans un terrain vague. Nous avons regardé les images ensemble et nous avons tous été d’accord pour dire que Lamine était le plus magnétique d’entre tous. Il a été décidé que Lamine serait l’acteur principal et il nous restait à écrire cette fiction."
L’enfant est arrivé dès l'écriture du scénario de la fiction. Il était déjà présent avec David Yon et son équipe durant les repérages parce qu'il est le cousin des frères Lahrech. Le réalisateur se rappelle : "On est parti en balade avec lui et Lamine, je les ai filmés et c’est en voyant leur relation que je me suis dit que c’était dans cette direction que le film devait aller. C’est entre lui et cet enfant. Je me suis aperçu que la raison pour laquelle Lamine m’avait touché était sa sensibilité, parce qu’il est à la fois timide et qu’il a le désir fort d’une autre vie. Et que quelque chose de son enfance est très présent. Le faire jouer avec cet enfant était un moyen pour qu’il se révèle, pour qu’il nous montre son rapport à l’enfance."
La plupart des lieux se situe à l’extérieur de la ville algérienne de Djelfa, dans la steppe et les forêts. Ces endroits où le film a été tourné ont été choisis lors de discussions entre David Yon et ses amis. Le cinéaste confie :
"Beaucoup d’habitants de Djelfa font partie de la tribu Ouled Naïl qui étaient nomades. Ils vivaient sous des tentes dans la steppe (Djelfa est à 300km au sud d’Alger aux portes du désert) mais pendant la guerre civile, ils se sont regroupés dans la ville, dans des habitats en dur. Le désir avec mes amis était de reprendre la marche et de se réapproprier certains lieux qui avaient été désertés, comme un geste d’émancipation. Ce sont des lieux comme « La Mare blanche », un oasis avec des fermes, qui fut abandonné pendant les années noires. Deux des frères Lahrech, dont l’un est berger et l’autre agriculteur, ont tenté il y a quelques années de le re-cultiver et d’habiter une des anciennes fermes pendant 6 mois mais la source, qui est salée, a empoisonné certaines brebis. Pour eux, c’est vraiment un lieu auquel ils tiennent beaucoup mais ils ne savent plus comment l’habiter. C’est à partir de cette expérience et de celle de la perte de proches pendant la guerre civile que Lamine a improvisé son histoire au début du film autour de La Mare blanche."