« C’est la répétition qui fait la réputation » disait Marcel Bleustein, un pionnier du monde de la publicité. Et il avait raison le bougre ! Regardez un petit peu où nous en sommes arrivés après plus de dix ans de matraquage intensif de la part de Marvel ! Les produits de la franchise ont tellement colonisé les espaces de notre quotidien qu’aujourd’hui il est bien difficile de ne pas considérer la sortie au cinéma de cette grande conclusion de la saga « Avengers » comme étant autre chose qu’un événement notable ; un événement marquant ; un événement qui compte. Tout le monde veut en être, presque acquis par avance. « La marque des plus grands » diront certains. « Banale conséquence de l’effet de simple exposition » répondront les sociologues. En tout cas, pour ma part, j’opte clairement pour la deuxième explication plutôt que pour la première. Pour preuve : moi-même qui ai pourtant vomi les trois précédents opus, j’ai quand-même voulu participer à la fête – assister au spectacle – en ouvrant bien tous mes chakras dans l’espoir d’être peut-être touché par une potentielle grâce conclusive ! Et le pire c’est que les deux premières minutes ont fait naître chez moi une bribe d’espoir. Introduction claire et sobre, sans musique pompière ni effets spéciaux boursouflés. L’exposition est rapide, efficace et suggestive. Elle nous reconnecte très pertinemment à la fin de l’épisode précédent, sachant en plus lui donner une dimension concrète, à hauteur d’humain. Et même s’il s’agit là d’un banal copier-coller de l’introduction de « The Leftovers », je trouve que voir ça dans un film « Marvel » c’est quand-même prendre un sacré contre-pied avec ce qu’a été toute la saga ; un contre-pied plus qu’appréciable me concernant… Mais bon voilà : l’illusion a duré deux minutes. Et sur un film qui en compte 181, c’est vraiment très peu. Car oui – malheureusement – cette introduction n’est absolument pas révélatrice de ce qu’est réellement cet « Avengers ». Et il n’a suffi que de cinq minutes supplémentaires pour que ce film me perde définitivement. Dès la scène suivante on rebascule dans un monde d’effets spéciaux à outrance ; dans une intrigue qui installe des tensions artificielles à base de discours larmoyants et de musiques mielleuses, jusqu’à ce que cette tension inexistante soit levée par un « deus ex machina » pas du tout crédible :
l’arrivée miraculeuse de Captain Marvel. Alors autant dire que vous avez intérêt à être allé voir le film à son sujet parce qu’elle n’aura droit à AUCUNE présentation. La meuf débarque comme ça, en mode je-flotte-dans-l’espace-tranquillou-bilou, étant visiblement capable de survivre sans combinaison, de se téléporter d’un bout à l’autre de la galaxie en quelques secondes, mais aussi de poser sur la surface de la Terre un immense vaisseau à la seule force de ses bras. La meuf c’est Superman version Marvel. Elle semble indestructible. Comment veux-tu qu’à ce moment précis du film je m’en fasse encore pour l'avenir des « Avengers » ? Avec une nana comme ça dans leur rang, l'affaire est déjà dans le sac !
Alors OK, j’entends l’argument : c’est un film de super-héros, donc il faut accepter les codes propres au genre. Il faut savoir suspendre son incrédulité. Moi je veux bien, mais le problème avec les gars et les nanas de chez « Marvel », c’est qu’ils considèrent clairement que nous, les spectateurs, on leur a fait un chèque en blanc à ce sujet. Les efforts en termes de tension dramatique et de vraisemblance (même au sein du propre univers de « Endgame ») sont totalement inexistants.
Ainsi on nous bute Thanos sur une blague. On nous vend un monde dont on nous dit que seulement la moitié de la population a disparu mais qu'on nous présente malgré tout comme un désert humain dans lequel tout a été laissé à l’abandon et où toute industrie a cessé. On nous invente le voyage dans le temps juste en parlant dix secondes avec Siri…
Mais pire que tout, ce film patine comme jamais pour créer et justifier sa propre intrigue. Alors qu’on nous gonfle pendant presque une demi-heure à tourner en rond sans savoir où aller, d’un seul coup on se décide à nous sortir la péripétie la plus éculée et la plus boiteuse qui soit dans ce genre de film :
le voyage dans le temps
. Alors non seulement cette décision démontre qu’à aucun moment ce film n’a voulu traiter la question de la perte, du deuil ou du sacrifice comme aurait pu le laisser suggérer la fin du précédent opus, mais en plus de ça il s’extirpe de cette problématique d’une manière totalement vaseuse. Parce que, bien évidemment, vas-y qu’on va nous ressortir toute la bullshiterie quantique habituelle pour justifier tout et n’importe quoi ! A partir de ce moment-là tout le scénario s’allume comme une gigantesque piste d’aéroport, avec un chemin bien visible jusqu’à la destination finale. Zéro surprise. Zéro enjeu. Mais après tout on s’en fout parce que ça n’a jamais été la démarche d’un « Avengers ». Le rôle d’un « Avengers » c’est de montrer ses héros. Tous ses héros. Ce film, c’est un petit peu comme une vitrine de figurines, mais en un peu plus animée. Il suffit d’exposer pour que les gens apprécient. Et c’est à ça que vont se résumer ses trois longues heures de spectacle : un film presque intégralement composé de scènes d’exposition. Et c’est la quatrième fois qu’ils nous font le coup en plus ! Mais bon, où est le problème ? A chaque fois ça marche ! Pourquoi se priver ?! Je me plaignais tout à l’heure qu’il avait fallu une demi-heure pour que l’amorce de l’intrigue s’opère vraiment. Pourquoi autant de dilution ? Eh bah parce qu’avant de commencer il fallait qu’on fasse le tour de tous les protagonistes tiens ! Et une fois que la péripétie est enfin posée, voilà que l'intrigue impose d'aller rechercher à nouveau tous les personnages au quatre coins du monde : alors rebelote ! Deuxième fournée ! Et une fois que tout le monde est réuni et qu'on peut (enfin) lancer la mission, eh bah le film décide de fragmenter son intrigue en plusieurs arcs narratifs,afin de permettre l’exposition d’encore plus de personnages ! Ç’en est à un tel niveau de caricature que tout le reste passe à la trappe ! Les lieux ne sont par exemple ni présentés ni iconisés. On se retrouve même avec des moments totalement hallucinants ! « Bon ! Nous voilà enfin ! Il va falloir qu’on recherche maintenant la base secrète de nos terribles ennemis ! – Eh regarde ! Elle est juste là, en face ! – Ah super ! Alors entrons tout de suite dans cette base secrète comme dans un moulin afin que nous puissions tous les deux rencontrer des personnages secondaires qui feront plaisir aux fans ! – Euh oui… Mais enfin n’oublie pas qu’on est surtout venus ici pour collecter un énième truc magique ! – C’est vrai ! Mais t’inquiète ! J’ai un gantelet quantique avec moi ! Ce sera torché en deux minutes ! » …Tout est fait à la va-vite pour qu'on puisse rapidement switcher vers une autre grappe de super-héros. Ce film est d'ailleurs tellement haché en sous-intrigues qu’au bout d’un moment il devient très difficile de se raccrocher à une tension centrale. Ça part dans tous les sens et tous les registres. On change d’époque et de lieu, tout ça au final pour masquer le fait que, depuis le départ ce film est téléguidé vers une conclusion courue d’avance :
une (nouvelle) grande baston finale contre Thanos !
Et quand on y pense bien, ce final c’est quand-même l’apothéose ultime du foutage de tronche. Parce que l’air de rien c’est un petit peu la même scène que lors de l’opus précédent ! Avec les mêmes combats illisibles ! Avec la même absence totale de logique dans la hiérarchie des puissances !
(Un coup Captain « deus ex machina » Marvel peut venir te pourrir un vaisseau et tenir en respect Thanos, si bien qu'on peut s'imaginer que ce personnage sera au cœur du combat. Mais non, à peine apparait-elle à l'écran que dans la minute d’après elle disparait parce que – tu comprends – elle doit laisser le scénar se dérouler un peu !)
Mais le pire, c’est qu’à toute cette purge s’ajoute toute la foutraquerie des voyages dans le temps !
(La Nebula du future bute la Nebula du passé mais tout va bien ! Puisqu’on a remis les pierres à leur place à la fin du film alors tout rentre forcément dans l’ordre hein ! CQFD ! Idem, on bute quand même le Thanos du passé et toute son armée, mais là encore ça passe crème ! D’ailleurs comment Thanos a-t-il fait pour voyager dans le temps ? On ne saura jamais ! Parce qu’on a beau nous dire qu’il a récupéré une capsule de Pym, ça ne change tout de même rien que le voyage dans le temps est surtout permis par les combinaisons et la machine de Starck ! Ceci restera un mystère dont le scénario se fout royalement. L'action est rendue possible par cette entorse à la logique donc pourquoi les gens se plaindraient ? C'est comme l'évasion de Loki après tout ! Tant qu'à la fin il y a des pains, pourquoi les gens se poseraient-ils des questions ? Hein ?)
Mais bon, c'est vrai ça : pourquoi s'embarrasser de la logique , de l'originalité et de la cohérence ? Pourquoi s’en préoccuper puisque le public lui ne s’en préoccupe pas ! Le public veut voir ses figurines animées dans la vitrine ! Tant qu’on les lui met il sera content ! Il acceptera tout le reste ! Et il aimera ce qu’il a pris pourtant pour habitude de détester dans toute autre production qui n’a pas bénéficié du même matraquage !… Ah ça ! L’effet de simple exposition ! En voila chez Marvel qui auront bien compris comment il marchait sur les masses ! Mais bon, si les masses sont contentes, n’est-ce pas là le principal ?! Alors après tout à quoi bon crier au loup comme je le fais régulièrement sur ces « Avengers » ? Autant que je me taise au fond. Oui, taisons-nous. Après tout, soyons serein : le troupeau est bien gardé... Mais bon.... Après tout, tout ça, ce n'est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça. ;-)