On pourrait reprocher à "Free Fire" son manque d'histoire, son manque d'enjeux et de prises de risques, alors que l'on reprochait à "High-Rise" l'inverse. Ben Wheatley a donc un problème de gestion quant à ses histoires. Cependant, je trouve son Œuvre intéressante par son évolution aussi bien stylisée que narrative. Alors que "Kill List" était un thriller horrifique et "High-Rise" un film totalement à part, "Free Fire" est un huis clos. Une rencontre qui tourne mal autour d'un trafic d'armes.
J'étais sceptique quant à ce qu'allait donner ce film, la bande annonce était plaisante et annonçait un film décomplexé et détonnant mais avec un humour assez ridicule. "Free Fire" ne l'est point, ridicule. Si le comique est présent, le film n'est en aucun cas burlesque. L’humour noir de ces personnages hauts en couleur rapproche le film d'une partie de jeu vidéo dont la violence est altérée par une bonne dose d’autodérision et de punchlines bien placées. « Je ne suis pas mort. Je me repose ». Comme dans "Kill List", Ben Wheatley mélange les tons. Il allie parfaitement action et comédie, humour et sérieux, à la manière de Phil Lord et Chris Miller sur leur adaptation de "21 Jump Street". Mais la comparaison s'arrête là, car "Free Fire" est différent. Non pas original mais différent, un huis clos divertissant mais peinant à émouvoir. On suit cette fusillade d'une heure et demie en tant que témoin, et non en tant qu'otage, là où le film aurait sans doute gagné. En effet, les personnages ne sont pas attachants. Si leurs relations sont évoquées, montrées et exprimées, on ne se sent pas investi dans leur parcours, dans leur survie. Chacun pour soi, l'enfer c'est les autres. Cependant les acteurs sont excellents et on sent que tous s'amusent, aucun n'excelle plus qu'un autre. Si j'ai une affection particulière pour Sharlto Copley ("Open Grave") et Cillian Murphy ("Peaky Blinders"), Armie Hammer ("The Lone Ranger"), Sam Riley ("Maléfique") et Jack Reynor ("HHhH") m'ont bien fait rire. L'humour est très efficace, souvent incisif et au juste moment. Les dialogues, bien qu'ils ne soient très recherchés à l'inverse d'un "Reservoir Dogs", sont formés par des punchlines. Je reconnais que le film manque de scènes cultes. S'il avait été plus inventif scénaristiquement et visuellement, il aurait pu se hisser parmi les huis clos incontournables. Toutefois est-ce que cela était l'envie de Ben Wheatley ?
« That was the jumping-off point. So I went, "That's fucking weird," and I thought, I have never seen a film like that. So That sat unmade for, like, 10 to 15 years, and then I started to do research on a thing about the Troubles in Ireland. I had read this brilliant story about the Ira going to New York to buy guns and then putting them on the QE2, and then the ship going back and unloading them in Belfast. I was like, "Oh, my God" ».
Wheatley voulait faire une fusillade d'une heure et demie, pour cela il s’en est inspiré d’une qui a opposé des agents du FBi et des braqueurs en 1986 à Miami. « Ce qui ressortait, c’était l’impression de chaos et d’horreur ». Une impression qu’il a tenté de reproduire dans "Free Fire" où le spectateur se retrouve aussi largué que les personnages au milieu de tirs fusant de toutes parts. La violence est ici assez graphique, mais principalement désamorcée par le comique de situation ou de gestes.
Ben sait manier les images. "High-Rise" m'avait bluffé par son visuel. "Free Fire" n'est pas dans cette optique stylistique. Si les images sont belles grâce aux splendides couleurs et au décor, la façon dont le tout est filmé cherche cependant l'efficacité au symbolisme. La réalisation est donc certes assez classique mais non moins travaillée, en plus d'être accompagnée par une bonne bande originale.
J'ai apprécié mon visionnage de "Free Fire". Le film est un divertissement des plus correctes voire honnêtes. La courte durée m'a directement fait rentré dans l'histoire, sans me faire décrocher une seconde malgré d'indéniables défauts de partis pris et de facilités. Car oui l'on pourrait se questionner sur les actions des personnages, leur but, leur passé, mais Ben a voulu montrer une simple rencontre qui vire à la dégénérescence, une rencontre qui n'épargnera ses personnages, à défaut de laisser le spectateur en témoin, relatant en bien ou en mal aux autres ce qu'il vient de voir. Car comme le dit Chris : "Ce n'est pas ce qu'on a commandé", mais la réponse de Vernon permet de penser que cela peut aussi être un mal comme un bien. En tout cas Ben a fait ce qu'il voulait et moi, j'ai aimé.