"Marche à l’ombre" est le premier film de Michel Blanc en tant que réalisateur, accueilli par un peu plus de 6 millions de spectateurs. Quel succès ! Et pourtant… qui aurait cru retrouver ce comédien à la baguette, et en même temps le personnage le plus looser du cinéma français devenu l'étiquette de Michel Blanc ? Je vais peut-être vous l’apprendre, mais souvenez-vous : celui-ci avait marqué certains désaccords avec le reste de la troupe du Splendid à la veille de "Les bronzés font du ski". Ça remonte donc à la fin des années 70. Si je me fie aux dires d’un reportage récent sur la troupe, au départ il ne voulait pas apparaître dans le film. Pourquoi ? D’abord parce qu’il ne voyait pas l’utilité de tourner une suite à "Les bronzés", et ensuite parce qu’il ne la voyait pas aussi bonne. De plus, jouer l’éternel looser le fatiguait, d’autant qu’il vivait mal de se voir interpellé sans arrêt dans la rue en se faisant appeler Jean-Claude. Et donc contre toute attente, voilà "Marche à l’ombre". Sans aucun autre de ses compères du Splendid. Etonnant quand les premières répliques hument à plein nez le « made in Splendid ». Ah bah oui, vous apprendrez qu’une entorse peut s’infecter ou… gonfler à l’intérieur et non à l’extérieur. Admettons-le, il n’y a que Michel Blanc pour tenir de tels propos. Bingo ! C’est bien lui, de retour dans la peau du looser qui l’a rendu célèbre. A la différence près qu’il ne s’appelle plus Jean-Claude mais Denis… et qu’il n’est plus si looser que ça parce que contrairement à Jean-Claude, Denis parvient à conclure ! Ce qui ne change pas, c’est qu’il faut quand même se le farcir, et pour cela il fallait un bon ami. Un ami de bonne composition, parce qu’il faut se le fader à ce boulet et ce n'est rien de le dire. L’ami en question est incarné par un Gérard Lanvin volontaire, avec un côté un peu sans gêne pour échapper aux perpétuelles jérémiades de Denis. Le fait est que les deux acteurs forment un très bon duo en campant deux personnages unis dans la même galère malgré leurs différences. Bien entendu, je ne parle pas des différences physiques hein. Là-dessus il n’y a aucune comparaison possible, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais disons que l’un pense davantage à lui qu’à son pote tandis que c’est l’inverse pour l’autre : il pense plus à son copain et à leur avenir. La preuve, c’est toujours le même qui se coltine les tâches les plus ingrates (aller voir Monsieur Christian, les montres…), toujours le même qui laisse la place quand son acolyte n’est pas seul, toujours le même qui se montre toujours prêt à écouter son compagnon de route, et j’en oublie sûrement. Bien qu’unis, ils forment un contraste (et qui semble confirmer que les opposés s’attirent) car l’autre tape bien l’incruste quand il ne peut pas passer la nuit au chaud et dans le plus grand des conforts, y compris dans les moments les plus embarrassants. Pauvre Michel Blanc… quand il parvient à conclure, il ne peut pas être tranquille ! Et quand il arrive à l’être, c’est pour calculer des conneries et se faire attaquer par des renards, épisode que lui-même a un peu de mal à raconter parce que… parce que… ben je ne dirai rien parce que c’est une réplique culte. Des répliques cultes, il y en a quelques-unes, effectivement. Et pour tous ceux qui connaissent ce film depuis sa sortie en 1984, c’est un amusement de s’en souvenir et de les placer en même temps que les personnages. Un peu comme pour les films de la troupe du Splendid, me direz-vous. Au-delà de ça, c’est un vrai plaisir de redécouvrir ce film, d’autant que vous pouvez toujours vous adonner à quelques petits défis supplémentaires tels que reconnaître Sophie Duez (ce n’est pas très difficile, elle n’a guère changé depuis ce qui est en fait son tout premier rôle) ou d’autres petits rôles comme Jean-François Derec et même encore d’autres qui font une apparition au prix d’un caméo : Patrick Bruel (facile aussi), Bernard Farcy (toujours la même coupe qu’on lui connait dans la saga "Taxi") et enfin François Berléand (là, ça va être plus dur). "Marche à l’ombre" se démarque aussi par sa musique, pour le moins très éclectique. Tout y passe, sauf peut-être l’opéra et la musique classique. Ainsi vous aurez droit au rock (par le groupe Téléphone), à la musique de cabaret en passant par les musiques africaines (avec en prime un super solo au saxo !) et irlandaises sans oublier, bien entendu, le titre de Renaud qui a d’abord servi à nommer l’album dont il a été extrait. Et avec ses titres, vous voyagerez de Marseille aux Etats-Unis, avec une grosse pause à Paris, tout ça sans ennui parce que tout est imprimé sur un bon rythme. Seule ombre véritable au tableau : comment arrivent-ils à changer d’horizon alors qu’ils n’ont pas le sou pour se payer l’hôtel ?