C'est en rencontrant par hasard des joueurs d'échecs, il y a près de quatre ans, que la réalisatrice Elodie Namer a eu l'idée de créer un film autour de cet univers qui lui était jusqu'à lors inconnu mais qui l'a aussitôt fasciné.
Pour s'imprégner au mieux de l'univers des échecs, Elodie Namer a souhaité rencontrer le maximum de joueurs possible. Mais, constatant à quel point il était difficile de parler à des joueurs sans l'être soi-même, la réalisatrice a appris intensivement le jeu pendant six mois, puis a commencé à évoluer sur des tournois officiels avec les jeunes Grands Maîtres Internationaux dont elle s'est inspirée pour le film. La réalisatrice témoigne avoir "vécu avec eux les longues heures de travail, les combats acharnés devant un échiquier, la pression des tournois, l’exaltation des victoires, la rage des défaites. Je me suis noyée dans le jeu compulsif, pour ensuite écrire imprégnée de toute cette matière. Les joueurs m’ont nourrie de leurs intimités, de leurs codes, de leurs manies, de leur langage si particulier."
La plupart des jeunes Grands Maîtres Internationaux, qu'Elodie Namer a pu rencontrer au cours de la préparation du Tournoi, étaient présents sur le plateau au moment du tournage et ont composé toutes les parties d'échecs jouées dans le film, dans le but d'apporter le plus de crédibilité possible au film.
Du fait que les échecs ont été une discipline très marquée pendant la guerre froide, l'action du film se déroule à Budapest, en Hongrie, un pays de l'ancien bloc de l'Est. Elodie Namer souhaitait également jouer sur l'indifférence que les personnages éprouvent vis à vis du lieu où ils évoluent : "C’est un des aspects du milieu qui m’a beaucoup marquée : les joueurs ont souvent énormément voyagé, pourtant ils sont incapables de savoir à quoi ressemblent les pays dans lesquels ils passent, car ils ne sortent jamais de leurs hôtels. J’ai imaginé notre hôtel comme une Tour de Babel, un lieu cosmopolite où tout le monde essaye de communiquer dans des langues différentes, et où, même en parlant la même langue, on ne se comprend pas. Le seul langage commun au fond c’est celui du jeu, qui ne permet pas de partager ses émotions et donc de se connecter à l’autre."
En terme d'écriture et de mise en scène, Elodie Namer souhaitait que Le Tournoi soit un film subjectif et mental. Dès lors, le spectateur peut suivre le personnage principal, Cal, tout le long du film comme s'il était dans sa tête.
L'un des enjeux du film, en terme de réalisation, aura notamment été de donner un aspect cinématographique aux scènes de jeu d'échecs. Pour cela, la réalisatrice a pris deux décisions importantes, la première étant de modifier la mise en scène pour chaque scène de jeu afin de ne pas lasser le spectateur. La seconde aura été de se concentrer sur l'énergie qui se dégage de ces compétitions plutôt que sur les échiquiers eux-mêmes, pour que les spectateurs qui n'y soient pas initiés ne se sentent pas exclus.
Pour composer l'aspect pictural de son film, Elodie Namer s'est notamment inspirée des films de son enfance, à savoir le cinéma américain des années soixante avec des lumières aux couleurs saturées et contrastées. Pour cela, elle a demandé à son chef opérateur, Julien Poupard, de "toujours mêler dans le champ une lumière chaude et une lumière froide. Cela permet de créer un univers romanesque, enfantin, quelque chose de ludique, loin de tout naturalisme. Nous ne sommes pas dans un récit réaliste, mais bien dans un conte, ou une allégorie."
Elodie Namer a souhaité parsemer son film de symboles, notamment à travers l'image d'un cercle qui revient souvent pour représenter l'enfermement psychologique des personnages. Ainsi, le sol du hall de l'hôtel dessine un rond géant et la caméra effectue également des travellings circulaires autour des acteurs.
Afin d'exprimer visuellement la perte de contrôle du personnage de Cal, la cinéaste a d'abord souhaité donner une image symétrique au début de son film, avant de désaxer sa caméra et donner ainsi une impression de mobilité des lieux et de vertige pour le spectateur.
Considérant le milieu des échecs comme un monde de rockstars, Elodie Namer a souhaité que Le Tournoi soit un film très musical. Ainsi, pas moins de 28 minutes de compositions musicales originales parcourent les 83 minutes de durée du film, sans compter les musiques additionnelles : "Toute la première partie du film est très électronique, voir robotique. C´est l´expression de la toute-puissance, et de l´angoisse non maîtrisée de Cal, le reflet de son âme. Au fil du récit, les sonorités deviennent plus organiques, plus « humaines », pour exprimer le passage d’un cerveau vers un corps. Nous basculons de l’électronique pure (synthétiseurs, boites à rythmes..) aux mélodies au piano, à la guitare sèche, au violon. Le personnage principal se trouve confronté à des sentiments inconnus de lui jusqu’ici : la peur, la tristesse, la colère...", explique la réalisatrice.
La phrase brodée sous l’écusson de la veste que Cal porte au début du film, « Gens Una Sumus », est la devise de la Fédération Internationale Des Échecs qui signifie : « Nous sommes une seule famille ».
L’un des opposants à Cal dans la simultanée à l’aveugle n’est autre que Maxime Vachier-Lagrave, numéro 1 français et 9ème meilleur joueur mondial.
Le prénom de Cal est le même que James Dean dans A l’Est d’Eden. Son blouson rouge à la fin du film est aussi un hommage à La Fureur de Vivre.
L’adversaire de Cal dans l’avant dernier match est Joachim Iglesias, consultant technique sur le film, et qui a appris aux comédiens à jouer aux échecs.
Elodie Namer souhaitait confier le rôle de Cal à un acteur pratiquant la boxe. C'est en cherchant sur Internet qu'elle est tombée sur Michelangelo Passaniti et lui a offert le personnage en raison de son aspect très physique qui échappait au cliché du joueur d'échec geek et intello et se rapprochait d'avantage de l'aspect sportif et guerrier du jeu d'échec. Mais aussi parce qu'il "conjuguait l’animalité d’un Brando dans Un Tramway Nommé Désir et la sensibilité d’un James Dean dans La Fureur de Vivre".
Pour le rôle de Lou, la réalisatrice a rencontré plusieurs dizaines de jeunes comédiennes avant de choisir Lou de Laâge en raison du fait que "derrière son physique ultra féminin et angélique émanaient une puissance et une rage étonnantes, qui lui donnaient une énergie unique". Pour travailler les origines de son personnage, la comédienne s'est notamment inspirée de celui campé par Elisabeth Moss dans la série de Jane Campion, Top of the Lake.
La productrice du film, Lola Gans a notamment fait ses preuves chez Les Film Pélléas avant de fonder sa propre société de production, 24 Mai Production qui jusqu'à présent, a permis à des metteurs en scène de réaliser leur premier long métrage de cinéma. Ainsi en 2011, Elie Wajeman sortait son premier film Alyah, de même que Mario Fanfani avec Les Nuits d'été en Janvier 2015 et maintenant Elodie Namer avec Le Tournoi. D'ici quelques mois sortira également le nouveau film d'Elie Wajeman, Les Anarchistes qui mettra en vedette Tahar Rahim et Adèle Exarchopoulos.
L'action du film se déroulant à Budapest, l'équipe de tournage s'est rendue sur place pour y filmer les scènes tournées en extérieur. En revanche, les scènes de tournoi ont été tournées à l'Hôtel Royal Barrière de Deauville.