12 ans, 100kg, une mère célibataire et deux pestes pour sœurs, l’histoire de Kévin « Bouboule » n’est autre que celle du réalisateur Bruno Deville : "Il y a beaucoup de ressentis et d'émotions personnelles dans le personnage de Kevin qui constitue le héros de ce film", explique-t-il, avant de poursuivre : "Adolescent, mon poids flirtait avec les cent kilos. Je consolais ma mère du départ de mon père et j'étais trop mal dans ma peau pour espérer un jour embrasser une fille. Des régimes drastiques m’étaient prescrits. Je suivais des cours de natation trois fois par semaine. En maillot de bain, l’exposition de ma poitrine et de mes bourrelets était une humiliation épouvantable. Pour ma mère, mon poids était vécu comme une maladie incurable, tandis que mes sœurs jouaient les bourreaux dans leurs corps parfaits. Intimement, je ressentais une profonde injustice et beaucoup de colère d’être différent des autres et exclu par mon apparence. Aujourd’hui même si mon poids n’est plus alarmant sur la balance, des vergetures marquent mon ventre comme des cicatrices d’un passé inoubliable."
Même si le sujet est grave, Bruno Deville et Antoine Jaccoud (le scénariste) ont voulu "s'affranchir de la simple mise en fiction du "problème de société" ou de l'autobiographie pure". Le rire et l’émotion participent ainsi, dans ce film, à la force dramaturgique de l’histoire de Kévin.
Ce n’est autre que Mathieu Chedid qui a supervisé la bande originale de Bouboule. Le talentueux -M- a d’ailleurs écrit une chanson spécialement pour le film. Un titre écrit sur-mesure, dont voici le refrain : "J'm’appelle Bouboule, il faut que ça roule, j’ai le cœur en boule. J'm’appelle Bouboule, il faut que ça roule, sinon tout s’écroule. Quand j'ai les boules, m'appelle pas Bouboule."
Bouboule est le premier film dans lequel joue le jeune David Thielemans. Il y interprète Kévin, alias Bouboule.
Ce n’est pas la première fois que Bruno Deville traite l’obésité et met en relief sa propre enfance. Un premier court-métrage, intitulé "La Bouée", racontait en 2000 l’histoire d’un jeune obèse de 8 ans.
Bouboule n’est pas la première collaboration de Bruno Deville et Antoine Jaccoud. En 2003, les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble sur le scénario de "Viandes", un court-métrage réalisé par Bruno Deville. C’est donc tout naturellement qu’il s'est retourné vers Jaccoud pour l’écriture de ce nouveau projet.
Bien que Bruno Deville connaisse le thème de l’obésité, il a souhaité alimenter son expérience en rencontrant des enfants placés en institutions. C’est dans des centres qui prennent en charge des jeunes souffrants de cette maladie que le réalisateur a recueilli des témoignages. Cependant, il précise qu'"il ne s’agissait pas de réaliser un documentaire mais de raconter l’histoire d’un gosse dont le talon d’Achille est le surpoids."
Il ne faut pas se fier aux apparences, Bouboule n’est pas (juste) l’histoire d’un petit garçon obèse. Bruno Deville a souhaité traiter une autre question : comment trouver sa virilité avec 100 kg et des "seins" ? C’est là qu’entre en jeu Patrick le vigile qui devient, pour Bouboule, un modèle masculin comblant l’absence paternelle.
Mettre la main sur David Thielemans, alias Bouboule, n’a pas été une partie de plaisir. Après plusieurs mois de casting en France, Suisse et Belgique, le réalisateur Bruno Deville, n'a retenu personne. C’est finalement par hasard qu’il a rencontré David, alors qu’il se disputait avec d’autres enfants à la sortie d’une école. "J’ai tout de suite été frappé par sa différence, cette bouille où se mêlent douce candeur et profondeur dramatique avec ce regard que j’aime beaucoup, comme absent, les yeux mi-clos”. Le jeune garçon suspecte d’abord une caméra cachée puis accepte de passer des essais. “ (…) je l’ai trouvé formidable. Il y avait chez lui ce mélange d’ingénuité de l’enfant qu’on peut encore surprendre, et la détermination du môme blessé par la vie."
L’une des caractéristiques du jeune Kévin, est que la nourriture, et en particulier le sucre qu’il consomme en abondance, lui provoque des transes visuelles. Il voit par exemple apparaître un éléphant au milieu de sa résidence. C’est aussi ce qui arrivait à Bruno Deville enfant, lorsqu’il se créait des "bulles trans-digestives".
Si Bouboule traite d’un sujet sérieux et sensible, le film se veut drôle et touchant. Le réalisateur Bruno Deville ne conçoit pas cette comédie dramatique comme prêchant la bonne parole, et n'y voit "aucun message à caractère édifiant". Il explique : "Je laisse parler mes personnages avec leur mélange de trivialité et de drôlerie, leur bêtise et leur bassesse éventuelle, mais aussi leur candeur et leur humour – toute leur humanité."