Quatre ans, c'est le temps qu'il aura fallu à Michael Mann pour revenir après Heat. C'était tout juste le temps idéal pour se remettre de la claque que fut le duel ahurissant entre Robert De Niro et Al Pacino.
Changement complet de registre avec The Insidee (Révélations). Plus de flics, plus de truands, plus de fusillades. Ici, place à un ancien cadre d'un grande enseigne du tabac et un journaliste de CBS. Place à un combat moral et théorique pour la vérité, pour la santé, pour la liberté de la presse.
Vous vous en doutiez, c'est une histoire vraie.
Alors, comme je le disais, on passe dans un autre univers. Pour autant, les grands marqueurs du style Mann sont bien présents. Comme le truand McCauley (Robert De Niro) à dans Heat, qui faisait le choix délibéré de tout risquer alors qu'il pouvait s'en sortir, Jeffrey Wigand se lance à corps perdu dans une bataille qui le dépasse, à ses risques et périls. Une figure d'intégrité absolue, tragique, glorieuse, d'une beauté incroyable. Russell Crowe délivre sa plus belle performance dans ce rôle hors-norme.
Al Pacino retrouve lui un rôle qui se trouve sensiblement sur la même voie que celle empruntée par Vincent Hannah, dans le polar colossal où il partageait l'affiche avec De Niro. Derrière les lunettes du journaliste Lowell Bergman, c'est également une figure du l'obstiné héroïque qui s'exprime. Une autre figure qui a peut-être plus à perdre qu'à gagner dans ce combat. Et ce type de personnage, Pacino connait bien. Inutile de rappeler qu'il fait des merveilles si?
L'immersion et l'authenticité dictent toujours la mise en scène de Mann. L'approche frontale, quasi documentaire, agrippe et ne relâche la pression que dans les toutes dernières minutes du film. Pendant 2h30, la tension, la rigueur et le chaos tracent une histoire humaniste mais profondément douloureuse, élevant émotion et paranoïa dans un même mouvement. Impossible d'en détourner les yeux tant la maîtrise de Mann est admirable.
Une leçon de mise en scène. Une leçon d'incarnation Une leçon d'humanisme. Révélations a beaucoup de choses à dire du monde, de l'homme, de l'avidité, du journalisme. Le constat final, à la fois cathartique et doux-amer témoigne d'une victoire mais qui n'éloigne pas les dangers qui se disséminent des industries du tabac jusqu'aux salles de rédaction d'une chaîne d'informations.
Dans ce sens, il interpelle, interroge, secoue, éveille, réveille, indigne et conquiert. Ça fait beaucoup, vraiment beaucoup pour un film.
Et ça sans même parler de la direction artistique démente, les compositions magnifiques de Pieter Bourke, Lisa Gerrard ou Gustavo Santaolalla.
C'est tout simplement énorme, ce qu'offre Révélations.
On devrait presque lui en vouloir d'afficher autant de génie sans un soupçon d'arrogance.