Il y a une belle force d’émotion qui traverse « L’épreuve », d’abord avec le jeu des acteurs (Binoche, incandescente, au sommet de son art), ensuite avec un sujet audacieux autour d’une photographe de guerre devant (ré)concilier terrain et vie de famille, mais ce qui frappe le plus, est la mise en situation de cette histoire par son approche psychologique délicate, où symboles et suggestions jaillissent de l’écran. Et dans ce sens le titre prend toute sa signification. Bien évidemment il évoque « la photo », celle qui fera date et fera le scoop sur les tabloïds, plus subtilement l’épreuve s’interprète également dans le sens de l’évènement qui fait basculer une vie, notamment chez certaines personnes dont la fonction est au cœur de l’être, reléguant vie familiale et sentimentale au second plan. Il suffit parfois d’un choc pour enrayer la machine et déstabiliser une personne la plus endurcie, comme c’est le cas ici. Ainsi, les relations sentimentales sont pour Rebecca toujours voilées (rideau, drap, moustiquaire…) et surexposées, un peu comme une photo dont on attend beaucoup mais qui au final est ratée. A l’inverse, lorsque Rebecca crapahute, la lumière, les ambiances sonores… relèvent de la vraie vie, loin d’un univers cotonneux. Rebecca, à force de décrier l’inhumanité dans le monde, ne parvient plus à discerner l’essentiel et les souffrances si « anodines » de ses proches. C’est un état névrotique poussé par l’adrénaline, la conviction, la colère qui la pousse à se mettre en danger tout autant que les siens. Sur les 2/3 du film, cet état est bien rendu, la scène d’intro est d’ailleurs sublime. La fin cafouille un peu, là où Poppe avait su jusque là échapper au convenu et aux clichés, il choisit une fin certes inéluctable qui sombre un peu dans le pathos avec sa manière de l’appréhender et pleine de clichés. Cela ne retire toutefois en rien la qualité de ce film ambitieux et profondément sincère.