Matt Ross livre avec Captain Fantastic une œuvre audacieuse et profondément humaniste, où se mêlent drame familial, exploration philosophique et une dose bien dosée d'humour. Porté par une performance magistrale de Viggo Mortensen, le film s'inscrit dans une réflexion sincère et pertinente sur la quête d’idéaux face aux réalités du monde moderne.
Captain Fantastic nous plonge dans l’histoire de Ben Cash, un père de famille ayant choisi de s’écarter des normes sociétales pour élever ses six enfants dans un environnement sauvage et autosuffisant. Dès les premières minutes, le film capte l’attention par son cadre atypique : une vie rythmée par des exercices physiques, des lectures philosophiques et des débats intellectuels, bien loin de la modernité consumériste.
Cependant, le décès de Leslie, la mère des enfants, vient bouleverser cet équilibre. Ce drame oblige Ben et sa famille à quitter leur sanctuaire pour affronter un monde qu’ils ont délibérément rejeté. Ce voyage devient alors une exploration des conflits entre idéaux et contraintes pragmatiques, tout en mettant en lumière la complexité des relations familiales.
Viggo Mortensen incarne avec intensité Ben Cash, un personnage à la fois charismatique et troublant. Il parvient à exprimer un mélange subtil de certitude et de doute, dévoilant les failles d’un homme convaincu d’élever ses enfants de la meilleure façon possible, mais forcé de confronter les conséquences de ses choix.
Le jeune casting, composé de George MacKay, Annalise Basso, Samantha Isler et d’autres, impressionne par son authenticité. Chaque enfant apporte une nuance distincte, de la rébellion de Rellian à la maturité douloureuse de Bodevan. Ce dernier, interprété par George MacKay, offre une performance particulièrement touchante en tant que fils aîné tiraillé entre sa loyauté envers son père et son envie d’explorer le monde.
Frank Langella, dans le rôle du grand-père autoritaire, complète cette galerie de personnages avec une force tranquille. Son opposition à Ben représente un conflit générationnel riche en symbolisme, où s’affrontent tradition et modernité, autorité et liberté.
Le scénario de Matt Ross brille par son habileté à aborder des questions complexes sans jamais sombrer dans le didactisme. Le mode de vie de Ben est présenté avec autant d'admiration que de scepticisme. L’éducation qu’il offre à ses enfants est impressionnante dans son exigence intellectuelle et physique, mais elle soulève des interrogations légitimes sur l’équilibre entre liberté et préparation au monde réel.
Les moments de tension, comme l’affrontement verbal entre Ben et sa sœur Harper sur l’éducation des enfants, ou l’incident où Vespyr manque de se blesser gravement, illustrent les dilemmes qui jalonnent le film. Ces scènes apportent une profondeur émotionnelle qui maintient le spectateur engagé tout au long du récit.
Le cadre naturel des forêts de l’État de Washington joue un rôle central dans l’identité visuelle du film. La caméra de Matt Ross capte avec poésie ces paysages sauvages, qui symbolisent la pureté et la liberté prônées par Ben. Ce contraste avec les espaces urbains, plus froids et confinés, reflète les tensions entre le monde intérieur des personnages et la société extérieure.
La mise en scène, à la fois sobre et élégante, met en valeur les interactions familiales, avec une attention particulière portée aux dialogues et aux regards. Chaque plan semble servir un propos plus large, que ce soit pour souligner la complicité entre les membres de la famille ou pour révéler les fissures dans leur harmonie apparente.
L’humour joue un rôle essentiel dans Captain Fantastic, allégeant les moments de tension tout en enrichissant les personnages. Les échanges entre les enfants, souvent empreints d’une sincérité désarmante, apportent une fraîcheur qui contraste avec les conflits plus graves.
Pour autant, le film ne se dérobe pas devant ses aspects dramatiques. Le suicide de Leslie et ses répercussions sur la famille sont abordés avec une sensibilité qui évite le pathos. Ces moments de gravité sont contrebalancés par des scènes d’espoir et de réconciliation, rendant le récit globalement équilibré.
Au cœur de Captain Fantastic se trouve une question essentielle : qu’est-ce qu’un bon parent ? Ben, avec son approche radicale de l’éducation, incarne à la fois l’idéaliste inspirant et le père imparfait. Le film ne cherche pas à fournir une réponse définitive, mais invite le spectateur à réfléchir sur l’autonomie, la transmission des valeurs et l’importance de préparer ses enfants à la réalité du monde.
La scène où Ben lit le testament de Leslie lors des funérailles, avant d’être expulsé par son beau-père, est un moment clé. Elle illustre non seulement l’opposition entre deux visions du monde, mais aussi la douleur universelle de perdre un être cher et de chercher la meilleure façon de lui rendre hommage.
Captain Fantastic est un film à la fois profondément personnel et universel, qui explore avec brio les tensions entre idéalisme et pragmatisme, autonomie et intégration. Porté par une performance exceptionnelle de Viggo Mortensen et un jeune casting remarquable, le film parvient à toucher à des thèmes fondamentaux tout en restant accessible et divertissant.
Avec sa mise en scène poétique et son scénario intelligemment écrit, Captain Fantastic s’impose comme une œuvre qui interpelle, émeut et inspire. Bien qu’il ne soit pas sans défauts – certains rebondissements paraissent parfois un peu télégraphiés – il reste une expérience cinématographique riche et mémorable, qui résonnera longtemps après le générique de fin.