Chez Rappeneau, il faut que ça file, que ça courre, que ça s’agite… Ce réalisateur est obsédé par le rythme et dans la forme au moins, ces films se ressemblent tous. Dans celui-là comme dans tous les autres (enfin, dans tous ceux que j’ai vu), les personnages ne marchent pas, ils courent, ils ne conduisent pas, ils foncent, ils ne parlent pas, ils s’invectivent, se coupent la parole avant de filer à toute vitesse ! La preuve par le détail : cette scène ou Gilles Lellouche veut sortir de sa voiture en oubliant d’enlever sa ceinture de sécurité ! Alors forcément, le film à beau durer presque 2h, pas moyen de souffler ni évidemment de s’ennuyer ou de trouver qu’une scène tire en longueur ! Par moment, on se demande si on est devant un film de cinéma ou devant une pièce de boulevard… Au début, on se demande aussi, malgré cette agitation, si on va se sentir intéressé ni même concerné par cette histoire de vente de maison, de préemption municipale, de succession compliquée et de double-famille (oui, le papa avait refait sa vie et les familles recomposées, en terme de succession, c’est l’horreur !). Et puis, emporté par le courant, on se laisse prendre au jeu de cette histoire quand même. Le casting, pléthorique et brillant, se donne forcément à 200%, que ce soit Mathieu Amalric qui va courir partout pendant deux heures ou Gilles Lellouche qui tient parfaitement bien le rôle (de composition j’espère) du type un peu parvenu, un peu magouilleur, un peu vieux beau, un peu beauf. Guillaume de Tonquédec (que j’aime beaucoup) en fait des tonnes même si son rôle est un peu sous-exploité, dommage de sous-exploiter Tonquédec quand même. Mais finalement, c’est un peu pareil pour Karin Viard ou Nicole Garcia ou même André Dussolier parce que le vrai rôle important aux coté de Mathieu Amalric est tenu par la jeune Marine Vacth. Cette jeune actrice très jolie (et ô surprise, c’est la seule qu’on verra entièrement nue… Y’a des choses qui ne changerons jamais…), toute fraîche, tient plutôt bien son rôle, qui aurait pu lui aussi être un peu plus écrit. En fait, c’est un des reproches que je ferais à « Belles Familles », il survole son sujet. Forcément, à force de faire dans le trépidant, de faire des scènes courtes et des dialogues percutants, les personnages, leur psychologie et leur profondeur partent un peu avec l’eau du bain ! La réalisation, je l’ai dit, ne nous laisse aucun répit et plus on avance vers la fin, plus on se sent un peu saoulé et un peu fatigué par cette agitation, ces rebondissements qui se succèdent, ces révélations qui, malgré notre bonne volonté de spectateur, ne nous surprennent pas plus que ça. Le final, lors de la scène du concert, est la plus belle preuve de ce que j’avance : pendant le concert : ça se lève, ça se dispute, ça courre, on se croirait presque devant du Feydeau ! Moi non plus je n’aime pas m’ennuyer au cinéma mais il faut de la mesure en tout et là, par moment on trouve çà presque fatiguant. Quant au scénario, il peine à surprendre. Jérôme ne devait faire qu’une escale de quelques heures en province et il n’en décolle plus. On le croit pris dans le tourbillon des évènements mais il s’enferre dans son histoire de son plein gré et par moment, on a un peu de mal à le comprendre. Il s’est fichu de tout pendant 12 ans et maintenant, il veut tout savoir, tout comprendre, tout régler et que ça saute ! Les rebondissements sont un peu téléphonés et puis il y a cette fin… Là pour le coup c’est une vraie fin bien bouclée et pas une fin sèche et aride comme on en voit trop souvent ces derniers temps.
Mais ce côté happy-end pour tout le monde, ce n’est juste plus possible, il faut être un peu sérieux quand même ! Et voilà que chacun trouve chaussure à son pied, que tout le monde finit amis avec tout le monde (mais bien sur…) et tout est bien qui finit bien sur des jolies scènes de retrouvailles avec des violons derrières, STOP ! N’en jetez plus, Monsieur Rappeneau, la coupe déborde carrément !
A moins de la prendre au second degré (mais je n’ai pas l’impression que ce soit l’intention du scénariste), ce genre de fin à la mode de « grand papa » ce n’est plus possible !