Il est charmant et bien fichu, le premier film d’Olivier Loustau. Même s’il n’est exempt de petits défaut et de petites naïvetés, il fait du bien au milieu de la grisaille ambiante. Olivier Loustau s’est réservé le premier rôle, celui d’un ouvrir quadragénaire un peu bourru, mal dans sa vie, qui tombe amoureux d’une jeune fille de 26 ans tellement éloignée de ce qu’il est sur tous les plans (éducation, mode de vie) que tout concourent à les séparer rapidement. Le scénario de « La fille du patron » (le titre n’est pas génial, j’en conviens, on dirait le titre d’une émission de TV réalité d’M6 !) est assez astucieux pour nous éviter les grosses ficelles de la comédie romantique : l’anonymat de la jeune Alix ne dure pas et il n’est pas au centre de l’intrigue avec tous les quiproquos qu’on aurait pu craindre. Vital tombe amoureux de la fille du patron en sachant très bien qui elle est, il en tombe amoureux malgré ce qu’elle est. Le vrai nœud du film, c’est comment concilier une histoire d’amour sincère quand on est à la fois si amoureux et si différent sur tous les plans. De ce point de vue, je reconnais aussi que le propos peut paraitre un peu naïf, un peu « fleur bleue » puisqu’il n’y a au final que peu de cynisme dans cette histoire. Mais bon, moi, une jolie histoire d’amour qui ne se termine pas dans les larmes et les regrets, ca me plait de temps en temps, je trouve ça rafraichissant. La jeune Alix, très bien interprétée par Christa Théret, parle comme un livre, réfléchis en terme de déontologie, regarde ce monde ouvrier avec bienveillance mais elle en est fort éloignée et pour tout dire, elle a bien du mal au début à le comprendre. Et puis, elle aussi, ouvre son esprit à une réalité différente au contact de Vital, l’alchimie marche dans les deux sens. Si Christa Théret et tous les seconds rôles sont très bien tenus (même si certains sont un peu sous-écrits, comme celui du patron), c’est Olivier Loustau lui-même qui, par son charisme et sa présence, imprime le film. Il a un charisme prometteur, cet acteur, et il rend très vite son rôle attachant en jouant habilement de son côté viril et ours mal léché. C’est assez efficace et on comprend que la jeune ergonome se laisse charmer ! La réalisation est soignée, elle aussi est prometteuse car il y a dans « La fille du patron » beaucoup de scènes de rugby. Le sport en général, et pas seulement le rugby, est très difficile à filmer pour le cinéma, les contre exemples sont nombreux. Et bien, là, les scènes de jeu sont bien menées, pas trop chaotiques tout en faisant naturelles, on a l’impression d’être dans un vrai match et non pas devant une reconstitution, c’est assez rare pour être souligné. Le scénario laisse une part importante aussi à la réalité sociale de l’industrie textile française et là, pour le coup, « Le fille du patron » verse moins dans la naïveté que pour l’histoire d’amour qu’il raconte. Le patron qui n’arrive plus à assurer devant la concurrence, la pression qui s’exerce sur les ouvriers, quand il ne s’agit pas d’un quasi-chantage, les accidents de travails et pour finir, la liquidation des actifs : rien n’est oublié et rien n’est vraiment édulcoré. Les tensions sociales, les incompréhensions de part et d’autres, la suspicion immédiate qui précède tout le reste, tout cela sonne assez juste même si j’imagine que la réalité va encore plus loin que ne l’évoque le cinéma. Afin que son film ne soit pas trop plombant de ce point de vue, Loustau y glisse quelques pointes d’humour (pas assez néanmoins) et de romantisme et l’un dans l’autre, malgré ses faiblesses, l’alchimie fonctionne. Le film ne baisse pas de rythme et on ne s’ennuie jamais, on n’a jamais l’impression d’être pris pour un jambon par un scénario sans surprise. C’est naïf mais pas trop, c’est cynique mais pas trop, ca finit bien mais pas trop, bref, c’est un film équilibré et agréable. Pour un premier film, ma foi, c’est drôlement prometteur !