En pleine Guerre Froide, les cinéastes suédois radicaux se sentaient concernés par les luttes anti-impérialistes et socialistes qui pouvaient naître à travers le monde et plus particulièrement en Afrique. C’est avec leurs films, récemment retrouvés dans les archives de la télévision suédoise, que le réalisateur Göran Hugo Olsson créa une narration visuelle des guerres d’indépendance au Mozambique et en Angola.
Les archives suédoises sont d’une étonnante richesse. Il n’était donc pas évident d'utiliser à bon escient toutes les informations proposées. Göran Hugo Olsson s’en souvient très bien : "J‘avais à ma disposition dix heures d‘archives exceptionnelles, trente heures intéressantes, et une cinquantaine d‘heures seulement envisageables. Quant aux choix qu‘il a fallu faire, eh bien, c‘est le lot de tous les cinéastes : affronter des problèmes de montage !"
Göran Olsson semble tenir la culture afro-américaine à coeur. En 2009, son documentaire Am I Black Enough for You retraçait le parcours sinueux du chanteur soul Billy Paul. Le suivant, Black Power Mixtape, portait sur le célèbre mouvement de lutte pour l'avancée des droits civiques du peuple afro-américain que fut le "Black Power". Avec Concerning Violence, le réalisateur reste dans le même thème, se penchant cette fois sur la décolonisation africaine.
Concerning Violence puise ses sources dans "Les Damnés de la Terre", un ouvrage de Frantz Fanon, homme de lettres originaire des Antilles françaises et pionnier de la littérature afro-antillaise. Publié en 1961, le livre est une analyse minutieuse des violences qui ont accompagné la décolonisation de l'Afrique et des diverses conséquences qui en ont découlé. "Les Damnés de la Terre" a été préfacé par Jean-Paul Sartre et a influencé plusieurs générations d'écrivains africains. Fanon est malheureusement décédé peu avant la publication de son oeuvre.
Certaines archives du film ne sont volontairement pas contextualisées. L’objectif du réalisateur était ici de "faire confiance au public, à qui il n’est pas nécessaire de tout expliquer". Il insiste : "Particulièrement aujourd’hui : il suffit d’un clic sur Wikipédia pour connaître les faits. Si vous commencez à tout expliquer dans votre film, le film est mort : il est nécessaire d’avoir confiance dans le spectateur."
Pour assurer la narration de ce nouveau documentaire, Göran Olsson a fait appel à la chanteuse soul Lauryn Hill. L'ex-membre des Fugees avait déjà participé à son précédent film, The Black Power Mixtape, en tant que commentatrice, aux côtés d'autres pointures de la culture afro-américaine.
En 2014, soit trois ans après Black Power Mixtape, Göran Hugo Olsson est revenu à Sundance présenter Concerning Violence. Le documentaire, nommé dans la section World Cinema Documentary, n'a malheureusement pas obtenu les faveurs du jury. Il a également été sélectionné à la 64ème édition de la Berlinale, où il a été primé.
Réalisation, scénario, montage... Göran Hugo Olsson a endossé les trois casquettes pour ce documentaire.
Concerning Violence a été diffusé dans plus de vingt pays et a généré de nombreuses discussions. Le site américain Indiewire, qui est consacré au cinéma indépendant, l’a d’ailleurs élu meilleur documentaire de l’année 2014.
Concerning Violence est coproduit par Danny Glover (L'Arme fatale, 2012). L'acteur avait déjà participé à la production de The Black Power Mixtape, le précédent documentaire du réalisateur.
Frantz Fanon, qui a écrit les textes du reportage, a très vite compris que la décolonisation est un processus qui doit se produire dans les deux sens : le colonisé et le colon ont tous deux besoin d‘être décolonisés. De nombreuses personnes restent aujourd’hui admiratives quant à ses prédictions qui se sont très souvent vérifiées.
Pour Göran Hugo Olsson, réalisateur du reportage, l’un des objectifs les plus compliqués était de garder intacte la force du livre avec des moyens spécifiquement cinématographiques. Il précise : "J’ai d’abord été tenté d’utiliser des images contemporaines, et j’ai même songé à faire un film d’animation. Mais j’ai réalisé très vite qu’utiliser des archives permettrait de donner une dimension plus universelle au film."
Le réalisateur de Concerning Violence avoue avoir été influencé par de grands noms et de grands films du septième art. Parmi eux, La Société du spectacle de Guy Debord, de nombreux films de Jean-Luc Godard, L’heure des brasiers de Fernando Solanas mais aussi le clip de Sign o’ The times de Prince, et celui de Under my skin de Neneh Cherry.
Göran Hugo Olsson prépare actuellement un film sur les musiques actuelles africaines, à savoir le hip hop sénégalais et la house sud-africaine. Il serait également volontaire pour un remake contemporain de La Société du spectacle (1973).