Peter Landesman nous propose un retour en fin 2002, année où le Dr Bennet Omalu, pathologiste nigérian, jette un pavé dans la mare en découvrant la dangerosité du sport phare des Etats-Unis. S’appuyant sur le livre éponyme de Jeanne Marie Laskas, "Seul contre tous" achève le travail d’établissement de la vérité entamé par ce médecin légiste qui n’a de cesse de déterminer la vraie cause de décès de ses patients. Avant de commencer réellement cet avis, je me permets de dire qu’il est presque regrettable que le titre de la version originale n’ait pas été gardé pour la version française. Parce que ce petit docteur africain n’a pas été tout à fait seul dans le combat dans lequel il a été contraint de s’engager face à une institution vieille de 80 ans. Ainsi, le titre choisi ment sur la marchandise, même s’il est vrai que nous ne sommes quand même pas très loin de la vérité. Mais pourquoi ne pas avoir gardé soit le titre original, soit sa traduction littérale : "Commotion" ? Au moins, cela avait le mérite d’avoir plusieurs sens. D’abord il aurait bel et bien porté sur le fil rouge de ce film, ensuite il aurait été relatif au raz-de-marée au puissant parfum de scandale dans le monde du sport, et pour finir lequel des deux entre la NFL et ce petit médecin va être mis KO ? Le fait est qu’on ne peut qu’être littéralement passionné par cette histoire qui est une réelle avancée dans la sécurité des joueurs professionnels. Toute cette histoire a été traitée comme il se doit : avec beaucoup d’humanité. Il n’y a donc aucune scène d’action, le focus s’étant concentré sur le personnage par qui tout est arrivé : le Docteur Bennet Omalu. Un rôle difficile pour lequel il fallait incorporer dans sa diction l’accent nigérian, et pour lequel il fallait retranscrire toute la foi qu’il avait en son travail, cette attention particulière qui lui faisait prendre soin des corps mutilés, et cet indéfectible désir de libérer l’âme de ses patients, bref : une vraie passion envers son métier. Eh bien Will Smith a relevé le défi avec brio. Je ne suis pas vraiment étonné en fait, surtout quand on a vu ses différentes prestations à travers des films tels que "A la recherche du bonheur" ou "Sept vies". Aidé à la fois par un coach verbal pour l’accent et le véritable Docteur Omalu qui a participé au tournage en tant que consultant, Will Smith rend une copie absolument parfaite tant il semble habité par son personnage. Humilité, humanité, professionnalisme, respect, simplicité, bonté, souci de la vérité et naïveté : tels sont les sentiments qui animent ce médecin décidément hors du commun. Je parlais de simplicité, et pourtant il avait paradoxalement ce petit côté extravagant, puisqu’il prenait le temps de causer aux corps sans vie, comme le fait le Docteur Mallard dans la série "NCIS : enquêtes spéciales". C’est d’ailleurs bien Will Smith qui va véritablement porter le film sur les épaules. La réalisation de Peter Landesman est à l’image du personnage phare, sans le côté excentrique. Certes on pourrait qualifier son travail d’académique (ce n’est pas faux), voire de manichéen (ce n’est pas totalement faux non plus). Mais finalement c’est sage, sobre, sans effet de style (pour le coup inutile), mais efficace et puissant, tout comme le jeu de Will Smith. Autrement dit, le traitement me parait conforme à la psychologie du personnage, porté par une photographie parfois superbe et parfois quelconque, et par une jolie partition de James Newton Howard. Pour autant, on ressent bien les pressions exercées par le biais de basses intimidations, et même une relative paranoïa s’installer subrepticement chez son épouse ! En parlant d’épouse, il est à noter que les histoires annexes ne sont pas très développées, mais elles le sont suffisamment pour ressentir le dévouement sans faille de Prema Mutiso (Gugu Mbatha-Raw), mais aussi le soutien à la fois fermement décidé et craintif des docteurs Cyril Wecht et Julian Bailes, interprétés respectivement par Albert Brooks et Alec Baldwin avec beaucoup de subtilité, mais des aides ô combien précieuses au combat de ce médecin légiste pour faire reconnaître les fruits de son travail, ET au sein de la corporation des médecins, ET au sein de la NFL. Ainsi cela permet au spectateur de rester proche du personnage principal, jusqu’à éventuellement avoir une réelle empathie pour lui, sans que nous ayons affaire au charabia incompréhensible des médecins, ce qui rend le récit facile à suivre. Dans tous les cas, on adhère totalement à sa cause, jusqu’à ressentir toutes les émotions qui traversent ce personnage, à condition toutefois de croire encore au genre humain. C’est puissant. Mais tout cela permet aussi d’alerter le spectateur sur le lobbying visant à préserver le business au détriment de tout le reste, à savoir ici le business qu’engendre un sport populaire en exploitant à fond ceux qui, au premier niveau, font vivre ce business : les joueurs. Pour conclure, je vous ferai remarquer que cela a permis de faire avancer les choses, dans le sens que nous voyons l’installation des protocoles commotion sur les terrains de rugby depuis à peine quelques années, mais… est-ce encore suffisant ? C'est là que l'entame du film est intéressante, nous permettant de mesurer à quel point la dégringolade peut être grande et violente. Une sorte de "avant/après". En attendant, mon seul regret réside en le fait que la fin ait été balancée si vite. Jusque-là, le mécanisme de ce double combat était fort bien détaillé sans jamais se perdre dans des petites anecdotes inutiles, mais là… j’avoue avoir eu le sentiment qu’elle a été un peu jetée en vrac. Eh oui, le chrono tourne, on atteint les 2 heures sans même s'en apercevoir…