On comprend aisément ce qui a séduit Cédric Kahn dans ce fait divers. Xavier Fortin, ce père hors des conventions qui préfère soustraire ses enfants à leur mère et à la société, pour les élever selon ses principes de liberté, est en soit un être atypique comme il les aime. On se souvient en effet de Martin, le prof désœuvré de « L’ennui », « Succo » le tueur froid, ou encore Yann, de « Une vie meilleure », sa filmographie regorge de portraits âpres d’hommes sur la voie de l’exclusion, de la folie.
Avec « Vie sauvage », c’est l’approche contemporaine de l’état de nature qui l’intéresse. Bien plus que le fait divers par lui-même (la vision de la mère est filmée en mode mineur, le dénouement judiciaire est occulté…) il s’attarde sur le fond. Comment un père en cavale avec deux gamins, peut réussir à vivre reclus certes mais libre, réfutant toute appartenance à la société et ses codes consuméristes. Une vie simple, hors norme, plus proche de la nature. Paco en ce sens, se veut « animal politique ». Il est persuadé de ses convictions et se doit de les transmettre, de force s’il le faut (guerre avec la mère, enlèvement des enfants...). C’est son propre instinct de conservation et de survie personnel qui en dépend. Cédric Kahn le cible parfaitement et avec beaucoup de discernement. Ses prises de vues épurées baignées de lumière naturelle, soulignent le côté fantasmatique et plaisant de ce mode de vie bucolique. Mais cette éclatante simplicité de l’existence, est constamment remise en cause par des scènes fractures, qui replacent la dure réalité à un juste niveau. Nos conventions sociétales rejetées, cèdent la place à d’autres plus primaires (les cohabitations avec d’autres communautés, la précarité, la peur, le manque…) et impliquent parfois une mise en danger. Une scène symbolique, nous montre un Paco seul et abattu, tel un animal blessé, dévorant sa pitance devant une cheminée de fortune. Cédric Kahn ne juge en aucun cas, mais tente avec une certaine sincérité, d’approcher la complexité de cette personnalité. Il est aidé dans ce sens par un Kassovitz sobre, imprégné dont on sent bien l’égo de l’homme derrière celui de l’acteur en jeu. Le reste de la distribution est tout aussi convaincant. Céline Sallette est admirable, Jules Ritmamic, Romain Depret, Sofian Neveu et David Gastou (les fils, enfants puis ados) sont de belles révélations.
On peut toutefois regretter que l’ensemble du film ne s’inscrive pas dans la même verve que la séquence du début, où l’on retrouve toute la nervosité et la vigueur du réalisateur. La suite quoique séduisante reste quand même un peu trop sage.