« Cars », ou la trilogie de toutes les surprises me concernant… Surprise parce que d’une part on en a fait une trilogie, et ça, lors de la sortie du premier « Cars » et au vu de la philosophie Pixar de l’époque, ça me semblait juste impensable… Surprise encore parce que j’étais allé voir le premier opus plus que sceptique et j’en étais ressorti conquis. Surprise toujours parce que j’étais allé voir le second opus conquis et que j’en suis ressorti plus que circonspect… Et donc, avec ce « Cars 3 », voilà maintenant que je peux rajouter une nouvelle et dernière surprise : celle de constater à quel point ce troisième volet m’a botté, alors que pourtant il n’est clairement pas exempt de tous reproches… Alors, à dire vrai, quand je dis qu’il n’est pas exempt de tous reproches, en fait je devrais surtout préciser que ces fameux reproches pourraient se résumer en seulement quelques mots, ces mots étant : « un début tout pourri… » Bah oui, parce qu’en fait, quand j’y repense bien, je trouve que l’essentiel des défauts que je pourrais trouver à ce « Cars » se concentre essentiellement dans les premières scènes d’exposition. Non seulement il n’y a un aspect redite par rapport au premier opus, mais en plus l’intrigue met énormément de temps avant de vraiment poser ses enjeux… Alors OK, je veux bien qu’on pense aux enfants ; qu’il faut bien tout remettre à plat ; que la situation se doit d’être bien clarifiée ; qu’il ne faut pas trop en mettre en même temps… Mais bon franchement, là pour le coup, c’est mauvaise pioche. Double mauvaise pioche même ! Parce que là où le film prend le risque de perdre son public adulte, je ne suis pas sûr qu’il se garantit pour autant l’adhésion des plus jeunes. Il se trouve que je suis allé voir ce « Cars 3 » en présence de mes deux neveux de huit et cinq ans et je peux vous dire que même eux sont restés un peu amorphes face à cette longue phase d’exposition, et cela malgré tous les petits calembours que les scénaristes se sont efforcés d’insérer un peu artificiellement à leur intention. Pour le coup, je trouve que c’est vraiment un très mauvais calcul ; assez surprenant de la part de Pixar même. Je ne suis pas sûr qu’il soit si important que cela pour un gamin de comprendre clairement une intrigue. Je pense même qu’ils s’en foutent un peu de ça. Pour moi, un gamin se fait essentiellement son idée de l’intrigue au travers de ses ressentis et de son empathie bien plus qu’au travers de sa compréhension. De cette erreur de calcul résulte donc un début vraiment qui, pour moi en tout cas, a failli être fatal pour le film… Ce n’est finalement qu’à partir du moment où McQueen se retrouve contraint de repartir à l’entrainement que le film se lance vraiment, soit au bout de vingt bonnes grosses minutes. Et vingt minutes dans un film comme celui-là, où on connait déjà l’univers et où rien de véritablement neuf ou charmant n’est apporté dans l’introduction, je peux vous le dire, c’est trèèèès long… Et pour le coup c’est vraiment dommage que le film parte avec un tel handicap parce que ce qui vient après est vraiment très chouette, parvenant de manière presque inattendue à renouer avec ce qui faisait VRAIMENT la force de « Cars » premier du nom, tout en prenant bien la peine de marquer son originalité… Pour moi, la force du 1, c’était d’apporter un prisme déformant et amusant sur notre monde technique. « Cars » premier du nom avait notamment insisté sur l’évolution du rapport qu’avait connue la société américaine par rapport à l’automobile. En montrant un monde qui était passé de l’automobile comme outil de voyage à une automobile qui s’était juste transformée en un habitacle fermé à un monde qu’on traverse plus qu’on parcourt, cet épisode avait su dire quelque-chose sur notre rapport au temps, à la vie, à l’autre… Il avait su notamment illustrer avec intelligence comment il ne tenait à pas grand-chose de passer d’une simple logique d’émancipation à une banale mécanique d’aliénation… Franchement, c’était tout bête, mais c’était subtil. Être capable de faire une multitude de clin d’œil à la vieille Amérique au travers de la technologie était tout aussi amusant et rafraichissant que malin. C’était l’occasion de montrer que le problème réside moins dans les outils que dans la philosophie avec laquelle on les utilise… Là, dans « Cars 3 », on renoue avec ça mais sous un angle vraiment sympa parce qu’il est complémentaire du premier opus tout en questionnant un autre aspect de notre société. Là, pour le coup, il est clairement question de l’obsolescence face aux progrès de la technique… Et là encore, le film parvient à nous opposer deux types de philosophie : d’un côté il y a cette logique qui consiste à vouloir rester compétitif coute que coute juste pour pouvoir continuer à jouir de la position et des bénéfices que la société vous apporte, et de l’autre il y a cette philosophie qui consiste à savoir passer à autre chose, explorer d’autres horizons, et tirer parti d’une autre manière de ce que l’on a précédemment accompli… Et là, pour le coup, « Cars 3 » a vraiment su toucher une corde sensible chez moi. Non seulement je considère qu’il traite la question de manière aussi subtile et riche que le premier opus avait su le faire avec sa thématique, mais en plus je trouve qu’il parvient ainsi à très bien boucler la bouche de ce qui est désormais – et devrait rester – une trilogie. Le personnage de Flash évolue vers une personnalité moins démonstrative et plus posée, ce qui le rend plus attachant. Le film parvient en plus à introduire quelques nouveaux personnages qui ont un véritable intérêt pour l’intrigue, tout en sachant très intelligemment remettre en lumière certaines figures oubliées du premier opus (Doc. Hornet – bien sûr ! – dont le traitement est ici vraiment très malin et même assez touchant. Mais aussi Chick Hicks ou bien encore Tex Dinoco qui avaient disparu du 2.) Et tout cela parvient à se remettre en branle tout doucement, progressivement, réussissant à retrouver une cohérence d’ensemble plus que bienvenue. (C’est peut-être dommage que l’épisode 2 soit d’ailleurs à ce point ignoré. Même s’il n’est pas fameux, cela aurait évité cette impression de reniement qui ne va décidemment pas se faire à son service.) Du coup, oui, je le concède volontiers, autant j’étais sceptique pour le début de ce film, autant son cœur d’intrigue et son final m’ont vraiment botté. Alors certes, il n’y a pas le même « choc » que lors du premier opus où tout un univers original se déployait sous mes yeux, mais j’ai quand même retrouvé ces moments où les personnages savent profiter de ces petits moments ou petites choses qui font le sel de la vie – chose qui avait disparue du 2 – tout comme j’ai su retrouver ces quelques scènes savamment orchestrées d’un point de vue formel, ce qui est pour moi juste indispensable dans tout bon Pixar… Bref, vous l’avez compris, même si j’ai des reproches à lui faire à ce « Cars 3 », je me dois bien de me reconnaître qu’il aurait su se faire très plaisir et fort efficace me concernant. Donc vous voilà prévenus… Je pense qu’il vaut largement la peine qu’on aille s’en faire sa propre idée… A bon entendeur j’espère…