Seul immonde....Sorona désert de californie – Frontière du Mexique. Un camion transporte une dizaine de femmes et d’homme embarqués pour passer clandestinement du côté des états unis. Une panne va les obliger à continuer ce périple à pieds. Soudain, alors que le groupe avance à découvert ils vont se retrouver pris sous les balles d’un snipeur. Pour les survivants une course contre la mort à travers le désert va commencer, avec le tireur lancé à leurs trousses.
Depuis « Gravity » on connait la propension de Jonas Cuarón à se réapproprier les grands espaces pour en faire son terrain de jeu. Ce retour sur terre dans ses immenses étendues arides va confirmer que cette composante lui sied à merveille. Avec ce décor naturel inhospitalier comme toile de fond, il va nous offrir un des plus incroyables survival « Man Vs Man » vu depuis très longtemps. Une œuvre sous la forme d’une traque brutale avec laquelle il va prendre le contrôle de nos émotions à partir de l’entrée en scène de Sam (Jeffrey Dean Morgan), pour ne la relâcher…qu’au plan final.
Le chasseur est un véritable redneck à la forte caractérisation. Celui des résidents de cette Amérique profonde, ses « oubliés » qui au pays du libéralisme ne tolèrent pas…l’intrusion de l’étranger, perçu comme un danger pour eux. Son « Bienvenu au pays de la liberté » après avoir dégommé quelques cibles humaines en dit long sur ses motivations et son « Ce pays c’est le mien ! Vous allez arrêter de me faire chier maintenant ! » lève les derniers doutes. Sam arbore tous les signes ostentatoires de la plouc-attitude avec son pick-up ou flotte un drapeau confédéré, son colt tatoué sur l’avant-bras, son stetson, son pantalon de l’armée, sa bouteille de bourbon, son fusil à lunettes, son chien dressé pour tuer et sa radio qui envoie de la country en boucle. Un personnage qui présente de grandes similitudes avec Mick Taylor le meurtrier psychopathe de « Wolf Creek » (Greg McLean) le sadisme en moins. Jeffrey Dean Morgan, livre une interprétation d’une incroyable justesse, laissant passer des fêlures promptes à «humaniser » son personnage, loin des clichés d’un « simple » et iconique serial killer de série B ou d’un Negan nerveux de la batte…
Face à lui García Bernal, moise, seul visage pale aux milieux de ses traqués burinés, s’intronise chef de meute grâce à son fort instinct de survie et sa fraîcheur. Une bonne gestion de l’héroïsation qui dénote de la blockbusterisation Hollywoodienne actuelle. Ce que confirmera le naturalisme de l’image avec ses éblouissants plans du désert, ces grandes étendues qui s’apparentent à un gigantesque cimetière jonchés de cactus dressés comme des croix. Des travellings qui sacralisent ce paysage crépusculaire, sans enivrants mouvements de caméra, sans sur-effets, sans scories nauséeuses, sans artifices comme un parfait contre-exemple aux exagérations d’un Iñárritu et son « Revenant ». Un retour au cinéma d’exploitation mais de luxe et qui ne triche pas, tout en authenticité. Tout comme le score, très nuancé, se contentant de souligner la dramaturgie sans l’extrapoler ou bien de frissonner comme un rare souffle d’air dans ce climat étouffant. D’une violence crue et radicale, parfois surréaliste comme avec la scène entre le chien et moise ou le nid de crotales « Desertio » est une œuvre bouleversante avec cet écornage du mythique « rêve à l’Américaine » ou s’affrontent ces immigrés avec leur sac à dos remplis d’espoir d’un monde meilleur et ce looser cantonné au statut de sans grade et aux rêves brisés.
A la fois film d’action et cruel réquisitoire Jonás Cuarón nous touche plus viscéralement que son autre open space. On quitte la salle épuisé mais transporté par ce très bon moment de cinéma. Et du coup on court au distributeur de soda se rafraîchir en surveillant ses arrières, sait-on jamais…