"Desierto" est un film que j'ai envie d'aimer, que je devrais aimer. Parce qu'il prend son temps. parce que la musique est discrète. Parce que la langue des personnages est crédible - du vrai espagnol du Mexique, dieu merci ! Parce qu'il ne s'encombre pas d'effets superflus, et essaie au contraire de capturer les positions et les mouvements des personnages dans de vastes plans larges qui rendent justice à la topographie des lieux. Parce que, fondamentalement il parle de choses importantes pour nous : la haine des migrants, le besoin absurde de défendre un territoire qu'on croit "nôtre" et qu'on hait de toute manière. Tout simplement parce que, né dans le désert, je suis sensible à la poésie abstraite de cet espace trop vide et trop plein à la fois (de cailloux, de bestioles, de soleil). Mais non, je n'aime pas vraiment "Desierto", que j'ai pourtant suivi sans déplaisir, il faut bien le reconnaître, avec juste un brin d'irritation - un peu stupide, je l'avoue - en constatant que, comme toujours, le tireur d'élite qui jusque là a abattu d'une seule balle une dizaine de personnes à un kilomètre de distance ne sait plus tirer lorsqu'il vise le "héros" de l'histoire. Je n'ai pas pu l'aimer parce que Cuarón fils n'a tout simplement pas su décider du film qu'il voulait faire : "Desierto" n'est ni la prise de position politique nécessaire dans l'Amérique de Trump qu'il aurait pu être (les personnages - prédateur ou victimes - sont creux, stéréotypés, il est donc impossible de croire en ces fantoches et de s'identifier à eux, de comprendre vraiment leur trajectoire), ni le thriller abstrait que l'élégance de sa mise en scène lui aurait permis d'être (puisque Cuarón refuse de basculer comme il aurait été logique, voire souhaitable de le faire, dans la symbolique qu'appelait le concept inépuisable de la "traque"). Entre les deux, "Desierto" nous abandonne déçus, frustrés.