Charlie’s Country a été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2014, dans la sélection Un certain regard. David Gulpilil y a remporté le prix du meilleur acteur. Par ailleurs, le film a été sélectionné au Festival International du film de Toronto dans la catégorie "Spécial Presentations".
Lorsque Rolf De Heer a appris que son ami de longue date David Gulpilil a été emprisonné, il fut d’abord soulagé. Sachant Gulpilil dans une très mauvaise passe, la prison était au moins un lieu sûr pour lui. Lorsqu’il lui a rendu visite, De Heer trouva l’homme déprimé et "sans vie". Il se souvient : "(...) il y avait une chose qu’il voulait : faire encore un film – avec moi".
Rolf De Heer savait que pour redonner l’envie de vivre à David Gulpilil, il fallait l’impliquer au maximum dans le projet. C’est donc en prison que les deux hommes ont commencé à parler, lancer des idées et finalement c’est en partie la vie de Gulpilil qui a inspiré l'histoire de Charlie's Country.
C’était un choix du réalisateur et scénariste Rolf De Heer, de n’écrire aucun dialogue. Il voulait ainsi laisser la "vie" et la spontanéité de David Gulpilil, scénariste et premier rôle, s’exprimer, en anglais ou dans sa langue natale le yolngu.
David Gulpilil débute sa carrière en 1971, à 16 ans, dans le drame La randonnée de Nicolas Roeg. Mais le jeune garçon tombe très vite dans l’alcoolisme. "On a appris à David comment s’enivrer", raconte Rolf De Heer, "et ensuite comment se comporter pour donner l’impression d’être sobre". En 1976, alors sur le tournage de Mad Dog Morgan, lui et Dennis Hopper sont même arrêtés par la police. De retour à Ramingining, Gulpilil se désintoxique (de nombreuses communautés aborigènes du territoire d’Arnhem ont interdit la vente et la consommation d’alcool) mais est exilé de sa communauté après une dispute et devient un "long grasser", un sans-abri à Darwin avant de se retrouver en prison.
C’est ainsi que David Gulpilil parlait de Charlie’s Country. "Le moi signifiait principalement « authentique conformément à mon expérience de ces choses" explique Rolf De Heer. "Pour moi", continue-t-il, "le film est certainement sur David, mais pas uniquement dans le sens qu’il dépeint sa vie, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas. (…) C’est son chemin, le chemin de sa propre rédemption. "C’est mon film, consacré à moi!".
Une fois libéré de prison et sobre, David Gulpilil a pu rejoindre Rolf De Heer et prendre pleinement part au film. Les deux hommes sont ainsi partis dans les espaces sauvages du Parc National de Kakadu, afin de trouver des lieux de tournage. Un voyage ressourçant et émotionnel pour l’un comme pour l’autre. Ensuite, les deux hommes ont "fait face à la dernière épreuve importante pour pouvoir réaliser le film : le retour dans la communauté dont David avait été exilé". Accueilli à bras ouvert Gulpilil a pu pleinement s’émanciper de son passé. Pour terminer, les deux amis ont pris le bateau pour Gulparil, le lieu de naissance de Gulpilil. "Il y avait l’arbre sous lequel il était né", se souvient Rolf De Heer, "il y avait le rocher où son père s’était assis pour l’attendre. C’était son début, soixante ans auparavant".
Charlie’s Counrty a été filmé à Ramingining et Darwin, sur les terres d’Arnhem, un territoire aborigène d’environ 100 000 kilomètres, situé au nord de l’Australie. A partir des années 1890, le territoire fut régulièrement envahi par les éleveurs blancs, mais les autochtones ne cessèrent de défendre leur terre. Chaque conflit qui a suivi ces incursions fut très lourd pour les aborigènes jusqu’en 1931, lorsque la Terre d’Arnhem fut proclamé Réserve Aborigène.
Charlie’s Country est la troisième collaboration entre Rolf De Heer et David Gulpilil. Avant ce film, Gulpilil a tourné sous la direction de De Heer pour The Tracker en 2002 et a été narrateur de 10 canoés, 150 lances et 3 épouses (il devait coréaliser ce film et y jouer le rôle principal mais son état l’en a empêché). On retrouve également dans Charlie’s Country, Luke Ford, qui avait déjà joué dans The King is dead ! en 2012 ainsi que Peter Minygululu et Peter Djigirr respectivement acteur et producteur de 10 canoés, 150 lances et 3 épouses.