Un bestiaire, un joli paradis urbain « Made In USA », et enfin Shakira ? Et tout ça en moins de dix minutes ? Oula ! Mais c’est peu dire à quel point ce « Zootopie » et moi, on était partis d’un très mauvais pied ! D’ailleurs, je ne vous le cache pas, pendant toute la phase d’amorce de ce film (qui est toujours assez longue chez les Disney), je me suis dit que j’allais revivre la frustration des « Nouveaux héros », c’est-à-dire cette impression d’avoir un patchwork d’idées qui n’a aucune cohérence ni aucune finalité… Et puis en fin de compte, petit à petit, « Zootopie » a su dévoiler ses forces et son schéma global. Et pour le coup « félicitations » parce que là, je trouve qu’il y a là-dedans une belle audace et un sacré savoir-faire dans ce film. Disney a le malheur d’habitude de trainer son lot de casseroles. Je pense notamment à ses personnages et ses situations désincarnées parce que bien pensantes, ou bien encore à ses enjeux stéréotypés à l’extrême, débouchant souvent sur une morale rétrograde qui a le don d’habitude de me hérisser tous les poils. Là, enfin, avec ce « Zootopie », j’ai l’impression que l’ami Mickey, bien guidé par le bienveillant John Lasseter, assume de plus en plus le fait de s’éloigner de sa ligne ancestrale pour davantage s’inspirer des succès pixariens. Un peu comme l’avait fait avant lui « La Reine des Neiges », « Zootopie » s’amuse à partir des mythes roses-bonbons que Tonton Walt avait tendance à vouloir nous vendre (ici la ville américaine absolument parfaite dans laquelle il fait bon vivre) pour nous le déconstruire progressivement sous nos yeux. Or, là, pour le coup, faire une ville de gentils animaux prend vite du sens. Le scénario se saisit rapidement du concept pour construire un propos qui, certes, va avoir pour but de déboucher sur une morale (Disney oblige), mais une morale qui, pour le coup, va vraiment se révéler être l’aboutissement d’un cheminement clair et bien développé, le tout sur une thématique que je trouve plus que culottée, surtout de la part du studio aux grandes oreilles (
Non mais franchement : qui aurait cru qu’un jour Disney nous inviterait à nous questionner à ce point sur les préjugés culturels que véhicule notre société ? On est à deux doigts d’assister à une initiation de la pensée d’Emile Durkheim pour les enfants ! Non mais « ouah » quoi !
) Déjà, partir sur cette démarche de fond là, je trouve que c’est plus que louable. Mais en plus, il se trouve que la forme suit, et pas qu’un peu ! Parce que oui, l’autre aspect qui m’a scotché dans ce « Zootopie », c’est sa densité, et surtout son rythme. L’air de rien, ce film est sacrément riche en termes d’intrigue. L’évolution du couple de personnages principaux passe par énormément d’étapes, chaque étape se construisant autour d’une mini-intrigue qui a vraiment son univers propre, sa population propre, sa logique propre par rapport au propos général. Et là pour le coup, encore une fois : « ouah ! » Parce que l’air de rien, c’est bien vers cela que cherche à tendre « Zootopie » : montrer à quel point ce fantasme urbain américain passe en fait par une juxtaposition et une interpénétration de strates bien distinctes. Ça ne parait pas, mais pour que ça marche, il faut quand même savoir remplir ces strates et, pour le coup, le travail fourni est remarquable. Et ce qui est chouette, c’est que pour étoffer son bestiaire, Disney s’est clairement appuyé sur ce qui est pour moi son gros point fort de la dernière décennie. Pour ma part, j’ai toujours considéré que la grande force des dernières productions Disney c’était ses personnages guignolesques de second plan à l’humour simple mais efficace. Or, à part dans « Kuzco », le studio n’avait jamais osé mettre au premier plan cet état d’esprit que je trouvais sympa et frais. Là, ça y est, c’est fait. Sûrement impulsés par l’ami Lasseter, les gars ont décidé de construire leur univers essentiellement à partir de ce genre de personnages là et sur ce type d’humour là. Résultat, on se retrouve avec un film incroyablement dense, très diversifié, très référencé et – je trouve – accessible malgré tout à un public très large. Et comme dit plus haut, vu que tout cet ensemble est mû par une intrigue dynamique, très fournie, très bien rythmée et surtout au service d’un propos malin et audacieux, eh bien je me retrouve à deux doigts de l’extase. Oui… A deux doigts… Ah ç’en est presque rageant ! Moi, on me virait cette esthétique globale un peu trop clinquante et un peu trop lisse, tout comme on me laissait de côté les Shakira et autres habillages sensés être « so fun », alors là, je décollais littéralement au plafond. Mais bon… Je ne vais quand même pas me plaindre. Voilà deux mois que l’année 2016 vient de commencer, et jusqu’à présent, je n’avais toujours pas vraiment pris mon pied, du moins pas aussi instantanément, et cela malgré une quinzaine de films vus. Or, voilà qu’au final c’est tonton Disney qui vient me sauver la mise en me refilant un de ses films les plus audacieux et avant-gardistes de toute sa production des vingt dernières années ! Moi, je dis : c’était inespéré ! Alors merci ! Merci Mickey !