C'est en voyant ce film que j'ai découvert la musique house, la musique garage et la French Touch des années 90. Je ne connais rien à cette musique, ce n'est pas du tout mon univers et donc, logiquement, ce film aurait dû me rebuter ou me plonger dans des abîmes d'ennui. Eh bien, pas du tout! La réalisatrice, Mia Hansen-Love, dont j'avais déjà beaucoup aimé les trois premiers films, a su rendre attachants les personnages dont elle conte ici l'itinéraire au point que je me suis surpris moi-même à apprécier également un peu (juste un peu) la musique festive, rythmée, joyeuse mais aussi un brin mélancolique dont il est question.
C'est l'histoire de son propre frère Sven (d'ailleurs co-scénariste du film), rebaptisé Paul, que la cinéaste a choisi de raconter. Elle le fait, une fois de plus, avec un grand sens de la mise en scène et sur la base d'un scénario d'une profonde subtilité. Tout en égrenant les années qui passent, comme elle le fait volontiers dans ses films, Mia Hansen-Love parvient à faire percevoir, par petites touches qui passeront peut-être inaperçues aux yeux des spectateurs distraits, les fêlures de ses personnages et, en particulier, de Paul. Derrière les apparences et lorsque s'achèvent les rythmes de fête, on a affaire à des êtres fragiles, cherchant refuge dans des paradis artificiels et s'effondrant en pleurs lorsque trop de détresse les font vaciller.
Même dans la première partie du film, la plus festive, celle qui raconte l'ascension de Paul, ses succès de DJ, on sent fort bien que tout ou presque repose sur des illusions. Dans la deuxième partie du film, celle des illusions perdues, c'est encore beaucoup plus flagrant, bien entendu. Dans ce monde-là, il suffit de peu de choses pour que tout s'écroule, pour que, des sommets on tombe dans les abîmes, et de l'euphorie dans la détresse. Tout est éphémère, rien ne subsiste suffisamment longtemps pour combler et pour apaiser. Les femmes qu'aiment Paul, et surtout Louise (Pauline Etienne, formidable), auraient pu mettre son coeur en paix, mais elles étaient elles-mêmes trop fragiles, trop défaillantes...
Malgré les apparences et même si celui-ci est rythmé du début à la fin par la musique garage et les soirées festives, c'est un film d'une profonde mélancolie qu'a réalisé Mia Hansen-Love. Elle l'a fait, une fois de plus, avec un grand sens de la mise en scène et en choisissant d'excellents acteurs. Sans doute ce film ennuiera-t-il certains spectateurs qui auront le sentiment qu'il ne s'y passe rien ou presque et que tout est plat. Mon impression a été toute différente, toute d'empathie et de sympathie et pour le récit et pour les personnages. Du grand art! 8/10