Le cinéaste Jeff Nichols et le comédien Michael Shannon forment un duo artistique inséparable. En effet, l'acteur a joué dans tous les films du metteur en scène, de Shotgun Stories à Take Shelter en passant par Mud. Midnight Special est donc leur 4ème collaboration : "Michael a généralement une ou deux questions à me poser, et c'est tout. Il comprend son personnage. Du coup, quand on arrive sur le plateau, on ne répète pas : on tourne aussitôt. Son jeu correspond parfaitement à mon écriture. Il est capable d'exprimer des émotions extraordinaires sur son visage. Le plus souvent, je n'écris pas beaucoup de dialogues, si bien qu'il est important que son visage soit expressif", relate le cinéaste.
The Midnight Special était le nom donné au train partant de Houston au Texas, à minuit. Il se dirigeait vers l'ouest et traversait notamment des villes comme San Antonio ou El Paso. Sa légende vient du fait que le train passait devant l'ancienne prison de Sugar Land ; la lampe à l'avant du train est devenue au fil du temps un symbole de liberté pour les prisonniers noirs de l'est du Texas. Les détenus espéraient que la lumière passe à travers les barreaux de leurs cellules, ce qui était, selon la croyance populaire, le signe d'une libération prochaine. À noter que Midnight Special était aussi à la base une chanson folklorique traditionnelle interprétée par les prisonniers du sud-est des Etats-Unis au début du 20ème siècle. Une des premières versions enregistrées connues est celle chantée par Huddie William "Lead Belly" Ledbetter en 1934. Harry Dean Stanton l'interprète dans Luke la main froide en 1967 et le groupe rock Creedence Clearwater Revival reprend aussi ce titre dans La quatrième dimension, le film en 1983.
Deux acteurs vus dans Star Wars renouent avec la SF avec Midnight Special. Joel Edgerton a incarné Owen Lars, oncle de Luke Skywalker dans Star Wars épisode 2 et 3 et Adam Driver vient de cartonner au box office dans Star Wars Le Réveil de la Force dans la peau de Kylo Ren. Par ailleurs, selon Jeff Nichols, le premier jour du tournage du film, Driver a reçu la nouvelle lui confirmant l'obtention de son rôle dans Star Wars.
Midnight Special est présenté en Compétition à la Berlinale 2016 qui se tient du 11 au 22 février 2016.
Midnight Special aurait dû sortir le 25 novembre 2015 mais le montage du film a pris plus de temps que prévu, repoussant sa sortie à mars 2016. Le tournage lui, n'a pas duré très longtemps, seulement 40 jours.
Jeff Nichols a tenu à tourner Midnight Special en pellicule 35mm. Il s'en explique : "Si on tourne en pellicule, c'est parce que ce format permet d'offrir la représentation de la vie la plus proche de la réalité… pour les scènes de jour. En plein jour, il n'y a rien de mieux. Le rendu est vivant, il respire et il restitue le réel avec précision. Le problème, c'est que lorsqu'on tourne en pellicule de nuit, il faut des éclairages et l'image devient alors artificielle. Et si on tourne de nuit sans lumière, l'image est noire : la caméra ne distingue pas les formes comme le fait le regard humain. Du coup, j'ai délibérément écrit une histoire qui se déroule de nuit, en sachant qu'on tournerait en pellicule et qu'il nous faudrait éclairer les scènes nocturnes tout en donnant un aspect réaliste à l'image", explique le cinéaste.
Tourné dans une discrétion absolue, Midnight Special a défrayé la chronique lors de la diffusion de sa première bande-annonce, enthousiasmant la presse comme le public, devenant rapidement un des films les plus attendus de 2016. Jeff Nichols, qui s'attaque pour la première fois au genre SF, y revendique clairement des références au cinéma de genre de John Carpenter (Starman) et Joe Dante.
Dans Midnight Special, les personnages fuient les membres d'une secte et la police à partir du Nouveau-Mexique. Ils traversent le Texas, la Louisiane, le Mississippi et l'Alabama en direction d'un lieu bien spécifique situé en Floride. Certaines scènes ont été tournées dans ces États des USA mais la plupart des prises de vues ont été filmées à la Nouvelle-Orléans et dans de petites villes de la région, comme Mandeville, Covington et Lacombe, durant l'hiver 2014. Le froid et les précipitations ont d'ailleurs été un véritable casse-tête pour Mark Welch, le régisseur d'extérieurs, en plus de la logistique lourde liée par exemple à la gestion des tronçons d'autoroute pour les besoins du tournage.
Selon la productrice du cinéaste, Sarah Green, Nichols possède un style unique et reconnaissable : "Plusieurs éléments définissent un film de Jeff Nichols. Si je suis aussi fascinée par son travail, comme beaucoup de gens, c'est qu'il est capable de réaliser un film de genre efficace, ou un drame, ou n'importe quel style de film et que, dans tous les cas, ce sont les enjeux émotionnels qui priment. Son oeuvre parle toujours de la condition humaine et d'amour. Elle parle des rapports entre les êtres humains de manière extrêmement sincère", explique la collaboratrice du réalisateur depuis 3 films.
Pour incarner Alton, le garçon doté de pouvoirs surnaturels, Jeff Nichols a fait appel à Jaeden Lieberher. Le comédien âgé de 12 ans a déjà plusieurs rôles marquants à son actif comme celui du jeune Chris Evans dans Playing It Cool. Il a également donné donné la réplique à Bill Murray dans St. Vincent et à Bradley Cooper dans Welcome Back : "Jaeden est l'un de ces rares jeunes acteurs qui s'avère déconcertant tellement il est doué. Il est venu nous voir et a fait une lecture d'environ cinq minutes. J'ai discuté avec lui et je me suis dit qu'il était l'un des gamins les plus futés que j'aie jamais rencontrés. Il avait tout compris. Il avait compris la situation dramatique et le sous-texte et il savait ce qui se passait dans le scénario. On ne peut pas simuler une telle sensibilité et une telle intelligence", confie le réalisateur.
Jeff Nichols tourne pour la première fois avec un grand studio hollywoodien, Warner Bros. Le cinéaste a déjà eu affaire avec le studio lors du tournage de Mud. En effet, ayant besoin de Michael Shannon pour 2 jours de tournage sur son film, le réalisateur s'était vu accorder cette faveur par Warner qui avait déjà réquisitionné Shannon sur Man of Steel. Le réalisateur ayant tissé une bonne relation avec les patrons de Warner, il a fait appel à eux pour Midnight Special. D'abord réticents, les producteurs ont fini par faire confiance à Jeff Nichols, lui donnant carte blanche et le final cut.
Jeff Nichols nous raconte sa scène préférée
Pour composer la musique de Midnight Special, Jeff Nichols a de nouveau fait appel à David Wingo avec lequel il avait déjà collaboré sur Take Shelter et Mud : "J'étais sûr que David saurait travailler en s'inspirant de ce style, mais je ne me rendais pas compte à quel point il se révélerait excellent jusqu'à ce qu'il m'envoie une bande-démo : il m'avait dit que c'était du 'bricolage' et je l'ai pourtant écoutée tous les jours en me rendant sur le plateau. C'est la chanson qu'on entend au début du film et pendant le générique de fin. Il s'est inspiré de ces films de science-fiction et a composé une partition totalement singulière. C'est un son à la fois contemporain et évocateur des années 80", analyse le réalisateur.
L'idée de Midnight Special est née durant une période où le fils du réalisateur était très malade. Jeff Nichols a été très traumatisé par cela ; il souhaitait donc transmettre ces émotions dans son film : "Je me suis rendu compte que lorsqu'on a un enfant, on abandonne une part de soi à l'univers. C'est comme une plaie ouverte qui ne cicatrisera jamais et qui pourra toujours s'infecter. Si quelque chose arrive à son enfant, on ne peut que le ressentir parce qu'on l'aime par-dessus tout. C'est aussi un sentiment d'impuissance de savoir qu'il y a désormais un être dans votre vie pour lequel vous feriez n'importe quoi, mais sur lequel vous n'avez pas vraiment de prise. C'était le postulat de départ de Midnight Special. Take Shelter a été écrit par un homme qui s'apprêtait à devenir père, et qui évoquait ses appréhensions, tandis que Midnight Special est signé par un homme qui était déjà père", affirme le metteur en scène.
Jeff Nichols aime jouer avec les outils cinématographiques pour emmener le spectateur dans une direction pour mieux le surprendre : "Dès qu'un film commence, les gens se mettent aussitôt à analyser les informations et à assembler les pièces du puzzle. C'est donc un phénomène fascinant avec lequel on peut jouer. On peut en effet faire croire au public qu'on l'emmène dans telle direction, et puis faire intervenir un nouvel élément qui change la donne. Si je déterminais à l'avance chaque situation, cela se résumerait à ça. Mais si je laisse une certaine marge de manoeuvre au spectateur, alors on peut tout imaginer – et c'est ce que je trouve exaltant", s'enthousiasme le cinéaste.
Pour entrer dans la peau de Lucas, l'ami de Roy (Michael Shannon), Joel Edgerton, d'origine australienne, a dû prendre un accent texan.
Pour camper le rôle de Sarah, la mère d'Alton (Jaeden Lieberher), Jeff Nichols a tout de suite pensé à Kirsten Dunst : "J'ai rêvé de ce plan où elle est assise sur le perron d'une maison, filmée par une caméra proche du sol, tandis que l'ampoule de la véranda lui éclaire la nuque. J'ai gardé cette image en tête pendant des années et Kirsten l'a incarnée à la perfection. Elle excelle à s'imprégner de l'émotion d'une scène. Il peut s'avérer risqué sur le plan du récit de s'attacher d'abord à la relation entre le père et son enfant, et puis à mi-parcours, de passer aux rapports entre mère et fils. Mais il faut qu'on comprenne ce qu'ils endurent – et on peut lire tout cela sur le visage de Kirsten", raconte le metteur en scène. La jeune femme n'a d'ailleurs pas hésité à tourner avec le plus simple maquillage, portant des habits couvrant tout son corps, collant le plus possible avec l'univers sectaire où vit Sarah.