Josef Mengele, le médecin eugéniste d'Auschwitz, qui n'a commencé à être inquiété qu'en 1951 (il était rentré tranquillement dans sa Bavière natale en 1945, peu avant l'arrivée des Soviétiques à Cracovie), part alors pour l'Amérique du Sud. Il résidera dans plusieurs pays (Argentine, Paraguay - dont il acquiert même la nationalité en 1959, Brésil - où il meurt noyé en .... 1979), mais retournera à plusieurs reprises en Europe (Allemagne, Italie), et sa trace sera même repérée en Egypte, lors d'un de ces voyages ! Pourchassé par Simon Wiesenthal et le Mossad, il réussira à leur échapper, au rebours, notamment, d'Eichmann. Le film (adaptation de son roman par la réalisatrice trentenaire, Lucia Puenzo) imagine les conditions d'un de ses séjours argentins, en 1960. La fiction s'appuie sur la réalité : il a en effet été signalé à San Carlos de Bariloche, cette station touristique de la province de Rio Negro (Patagonie), non loin du Chili, au pied des Andes, et sur le lac Nahuel Huapi - région connue comme la "Suisse argentine".
Mengele, sous un de ses nombreux alias, s'introduit avec adresse dans le quotidien d'un couple et de ses 3 enfants. La scène est principalement dans un hôtel à la Shining (y compris côté neige, vers la fin du film), propriété familiale de l'épouse, Eva, et qui est rouvert pour l'occasion - ce qui permet au médecin d'y loger. La jeune femme est enceinte, une grossesse gémellaire, elle a épousé un Juif, Enzo, alors qu'elle ne l'est pas, et a été instruite dans une école allemande locale (les colonies germaniques étaient nombreuses en Argentine, bien avant le nazisme - ce qui a facilité le repliement de nombre de criminels de guerre dans ce pays, après 45), et sa fille, Lilith, née prématurée, a un important retard de croissance (à presque 12 ans, elle en paraît 8 à 9) : le médecin va pouvoir reprendre ses expérimentations avec ces cobayes de choix - en particulier sur l'hérédité, son obsession de toujours.
Mengele est indétectable en méchant : bien élevé, prévenant, sympathique, altruiste (il aide Enzo à mener à bien un projet professionnel, en marge de la gestion de l'hôtel). Mais il n'a rien, bien sûr, de recommandable, rien d'un "Médecin de famille" - comme ironise le titre du film. La réalisatrice montre un peu, suggère beaucoup (quitte à laisser pas mal de choses en pointillés, insuffisamment développées, voire inexpliquées). Sa mise en scène est plutôt classique (et même académique), pour un film "d'ambiance", loin de la fresque historique. Cela ne prend qu'un peu plus d'une heure trente, mais qui semble nettement durer davantage : trop feutré, trop languissant, pour emporter. Sans regretter la surcharge qu'un tel sujet aurait pu amener, on en vient à déplorer la distance excessive, ce parti pris qui finit par tendre à l'absence de point de vue lisible. Solide casting, où l'on distinguera la lumineuse Florencia Bado (la jeune Lilith), et l'impressionnant Alex Brendemühl, un Catalan, mais de mère allemande (vu récemment dans "Insensibles") en Mengele.