Avant de prendre en mains le projet, Roschdy Zem ne connaissait pas l’histoire des clowns Footit et Chocolat. Il a accepté de retranscrire ces parcours hors du commun à l'écran pour trois raisons : filmer le Paris du 19ème siècle, raconter l’histoire d’une amitié forte entre deux hommes et parler du personnage de Chocolat qui est un épicurien embrassant la vie.
Roschdy Zem n'en est pas à son coup d'essai de réalisateur, puisqu'il a déjà signé trois films : Mauvaise foi, Omar m'a tuer et Bodybuilder. Trois longs métrages ayant pour point commun de parler du racisme sous diverses formes.
Omar Sy a découvert l'existence de Chocolat lorsqu'il tournait le lucratif buddy movie policier De l'autre côté du périph en 2011. Le producteur Nicolas Altmayer était entré dans sa loge pour lui parler du projet. Le comédien s'est ensuite documenté sur cet homme né esclave et devenu artiste, puis a lu le livre de Gérard Noiriel, "Chocolat clown nègre". Six mois plus tard, il a lu la première version du scénario de Cyril Gély et accepta rapidement de se glisser dans la peau de Chocolat.
Pour s'approprier le scénario de Cyril Gély, Roschdy Zem a travaillé avec Olivier Gorce (le scénariste avec qui il a écrit Omar m'a tuer) en se focalisant davantage sur la relation entre Footit et Chocolat, sur scène mais surtout à l'extérieur.
Chocolat est le premier film d'époque réalisé par Roschdy Zem. Il s'est préparé avec les différents chefs de postes (1er assistant mise en scène, chef opérateur, chef décorateur, costumière) six mois avant le début du tournage en se documentant beaucoup et surtout en anticipant tout ce qui concerne la logistique qui s'annonçait particulièrement complexe. Tous ont choisi de tourner à Paris plutôt qu'en studio à Prague ou ailleurs : "Lorsqu’on tourne en extérieur une histoire qui se déroule un siècle plus tôt, on a beau mettre en place la décoration adéquate, il y a toujours une grue qui dépasse au loin. Pour ces scènes-là, nous avons défini les axes dès le découpage et réalisé un story board en raison des effets spéciaux."
Pour définir l'esthétique du film, Roschdy Zem et son équipe ont visionné beaucoup de films dont certains les ont beaucoup inspirés. C'est le cas de La Môme et Barry Lyndon. Pour les choix des couleurs, ils se sont appuyés sur des documents et des tableaux : "On a conçu la lumière en fonction des costumes, les costumes en fonction des décors, les tenues des hommes en tenant compte de celles des femmes ; et celles des personnages principaux en fonction de celles des figurants", se souvient le cinéaste.
Pour se glisser dans la peau de Footit, Roschdy Zem souhaitait quelqu'un qui soit à la fois acteur mais aussi se produisant au cirque. C'est dans cette optique que James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin qui est également danseur, acrobate et musicien, fut choisi. Le réalisateur explique :
"Sur ses spectacles, James maitrise tous les postes : mise en scène, décors, conception des numéros, interprétation. Il me semblait évident de lui confier l’élaboration des numéros. Qui mieux que lui pouvait les chorégraphier ? Je lui ai donné carte blanche, tout en lui demandant d’injecter des touches de modernité. Une fois sur le tournage, j’ai encouragé Omar et lui à se sentir libre dans leurs déplacements : « Si vous vous amusez, on s’amusera ». Ma responsabilité étant ensuite d’en tirer le meilleur. Au montage, je me suis retrouvé avec un problème de riche. Car les numéros sont drôles, inventifs. Mais sur les dix minutes que durent chaque prestation je ne pouvais en conserver que deux ou trois. Le cinéma, ce n’est pas de la captation. J’avais envie de tout garder et c’est impossible."
Les séquences les plus compliquées à tourner n'étaient pas les scènes de violence mais celles où le décor n'existait pas encore et celles des numéros de cirques.
Avec ce film, Roschdy Zem désirait raconter l’histoire d’un couple, qui se rencontre et crée ensemble, mais aussi l’émancipation de Chocolat qui découvre la vie et devient moins candide dans la France de la Belle Epoque.
"Un grand enfant qui a besoin de légèreté. Naître fils d’esclave, et l’avoir été doit être lourd à porter. Sans être esclave, on n’a pas toujours le sentiment d’être libre. Alors quand c’est factuel comme ce fut le cas pour Chocolat, je me demande comment on peut grandir, s’épanouir. Il y est pourtant parvenu. C’est le signe d’une grande force. Il a trouvé la liberté dans le jeu, le rire, le plaisir. A côté de ça, il devait se faire une place. Une fois au sommet, il a dû se demander si c’était la bonne. Les moments de gloire ont dû être les plus pénibles à vivre pour lui. J’imagine une vie en forme de montagnes russes : des moments extraordinaires, suivis d’épisodes de solitude. Selon moi, s’il a fini par se retrouver à la rue, c’est peut-être aussi parce qu’inconsciemment, il l’a un peu voulu."
Si l'on enlève les discussions avec Roschdy Zem et Gérard Noiriel, Omar Sy s'est beaucoup documenté sur son personnage et donc sur le contexte social et politique de son époque. Mais il ne connaissait pas l'univers du cirque et c'est là que les répétitions de quatre semaines avec James Thierrée ont été essentielles. Pendant ce temps, l'acteur a appris les particularités de la mécanique du clown, le rythme ou encore les mouvements du corps pour être prêt le jour J.
Lorsque le projet a été annoncé en janvier 2013, le titre du film était "Le clown Chocolat".
Omar Sy voit la relation entre Chocolat et Footit de la même manière que celle qu'il avait avec Fred Testot, c'est à dire un duo qui est un peu dans sa bulle : "Un duo, c’est un peu une histoire d’amour. Même si elle se passe sur un plan artistique, elle commence par un coup de foudre. On rencontre quelqu’un qui nous correspond, avec qui on peut échanger, évoluer. J’ai connu ça avec Fred, on s’est éclaté. Et je l’ai vécu avec James de manière plus condensée. Pour imaginer les rapports de Footit et Chocolat, j’ai puisé dans mon histoire personnelle."
Malgré le fait qu'il a été élevé par des parents faisant du cirque et qu'il a ainsi côtoyé des familles du cirque traditionnel durant son enfance, James Thierrée avoue n'avoir jamais entendu parler de Footit et Chocolat jusqu'à ce que le projet lui soit proposé.
A l'origine, James Thierrée redoutait que le film soit uniquement axé sur des numéros de cirque. Mais lorsqu'il a confronté ses doutes à Roschdy Zem, ce dernier lui a expliqué que le film allait être anglé sur la relation entre George (Footit) et Rafaël (Chocolat).
Eric et Nicolas Altmayer ont découvert l'existence de Chocolat par hasard, en 2009 alors que le second feuilletait les pages culture de l’Express où il y avait un article évoquant une conférence théâtrale relatant la vie du clown. C'est ainsi qu'il a pris conscience du fait que le premier artiste noir de la scène française était clown. L'idée d'en faire un film est rapidement venue à l'esprit des deux producteurs mais à l'époque aucun acteur de couleur n’était suffisamment renommé en France. Ils sont donc passés à autrechose...
Le film n’est pas un biopic mais une fiction inspirée du livre de Gérard Noiriel sur la vie de Chocolat. Nicolas Altmayer explique : "Gérard Noiriel ne voyait pas d’inconvénients à ce qu’on prenne quelques libertés avec la réalité historique. L’important était qu’on ne trahisse pas l’esprit, et que les évènements restent vraisemblables. Pour ce qui concerne le contexte historique, nous avons fait appel à des documentalistes, et Cyril Gély s’est attaché à être conforme à la réalité de l’époque."