« Les chevaliers blancs » est un film très fort qui vous laisse une impression puissante après la séance et qui ne peut laisser personne indifférent. Dans la forme, il n’y a pas grand-chose à redire : le casting est soigné avec un Vincent Lindon toujours aussi impliqué, toujours aussi sobre, toujours aussi juste. Son personnage n’est pas foncièrement sympathique, il agit mal (on y reviendra) mais pourtant Lindon ne peut pas faire autrement, par son jeu, que de le rendre touchant et humain. A ses côtés Louise Bourgoin et Valérie Donzelli sont très biens aussi. Le rôle de Laura, incarné par Louise Bourgoin, est plus monolithique de celui de Donzelli, donc moins intéressant. Laura s’embarrasse encore moins que les autres de scrupules, elle est la plus jusqu’au-boutiste de l’équipe. La journaliste, Françoise (Valérie Donzelli), se présente comme observatrice et extérieure à l’entreprise mais elle se laisse gagner, petit à petit, par une aventure qu’elle sait pourtant malhonnête. Son objectivité de journaliste semble mise à mal, au fur et à mesure que le film avance. Et puis il y a Radeb Keta, un acteur que j’apprécie vraiment beaucoup et qui joue parfaitement bien lui aussi un rôle trouble, un intermédiaire rémunéré dont on ne saura jamais ce qu’il cautionne ou pas et quelles motivations exactes l’animent. Les seconds rôles ne sont pas en reste, que ce soit les rôles africains ou européens (mention spéciale à Bintou Rimtobaye, interprète discrète mais omniprésente qui finalement aura un rôle clef dans l’intrigue). La réalisation de Lafosse, profitant des magnifiques paysages africains, est très soignée, la musique est bien calée, les vues aériennes réussies. J’ai crains le pire au début quand même : les scènes étaient tournées « caméra à l’épaule » et étaient franchement chaotiques. Je sais que c’est volontaire, c’est pour donner de la véracité à l’image, c’est moderne, mais pour le spectateur, quand ça dure et ça se multiplie, ça devient vite pénible. Heureusement, les scènes de ce type ne sont au final pas si fréquentes dans le film, et c’est tant mieux. Le film est rythmé, même s’il n’y a pas vraiment de scènes d’actions, on ne s’ennui pas et il ne baisse pas d’intensité, à aucun moment, c’est même le contraire. C’est que le scénario, quant lui, est clair et il met en scène une sorte de spirale infernale dans laquelle l’équipe de « Move for Kids », ne peut que se laisser entrainer vu que c’est elle qui l’a généré ! Je ne savais pas grand-chose de l’affaire de l’Arche de Zoé, pour tout dire. Même si le film s’en inspire plus ou moins librement, il montre une entreprise parée de toutes les bonnes intentions possibles dans le fond mais foncièrement malhonnête dans la forme, et pensée dés le départ comme telle ! Je crois que c’est ça le plus fort dans « Les Chevaliers Blancs », c’est le mélange détonnant d’un amateurisme total avec un cynisme carrément décomplexé. L’équipe de Jacques Arnaud à mis en place sciemment un plan pour exfiltrer de force 300 enfants et mettre la diplomatie française devant le fait accompli. Mais je dirais ce que n’est pas ça le pire ! Le pire, c’est que pour se faire, ils vont dans les villages, donnent des enveloppes de billets aux chefs de village pour qu’ils leur remettent des orphelins (de moins de 5 ans exclusivement, ce qui est déjà suspect) sans jamais leur dire qu’ils vont quitter l’Afrique, et même en leur disant le contraire : qu’ils vont les soigner dans un orphelinat, les éduquer sur place jusqu’à 18 ans. En réalité, ils ont tout planifié pour se casser en douce avec les gosses, comme des voleurs, ce qu’ils sont, en réalité. Les chefs de village encaissent l’argent et leur donnent ce qu’ils attendent, des enfants qui ne sont pas tous orphelins, loin s’en faut (ils entendent « orphelins » mais surtout « instruction » et « sécurité »). Le dialogue de sourd est inévitable, tout le monde ment ! Il y a, dans cette attitude parfaitement inexcusable (de mon point de vue), un arrière gout de condescendance, de mépris, de néo colonialisme qui ne veut pas dire son nom. L’enfer est pavé de bonnes intentions, paraît-il, et bien « Les Chevaliers Blancs » illustre parfaitement ce proverbe. Là où le scenario fonctionne, c’est qu’il n’est pas si manichéen qu’on pourrait le craindre : le sort de ces enfants ne peut pas laisser indifférent, et la scène finale serre forcément le cœur du spectateur. Mais toutes les bonnes intentions du monde ne peuvent pas justifier les manœuvres de l’association qui se retrouvent coincée entre des enfants en péril et des parents adoptifs exigeants et impatients. Ils se sentent acculés par la situation mais c’est leur amateurisme qui les a mis dans cette position et on a du mal, vraiment du mal, à leur trouver des excuses. Si on ajoute à ça une pointe d’arrogance à se parer de la notion d’ONG, et à se moquer de ceux qui « font des chèques pour se donner bonne conscience », on finit par se demander au final si cette entreprise n’a pas aussi été montée pour flatter un peu leur ego. Difficile de trouver un défaut aux « Chevaliers Blancs », c’est un film un peu âpre sans doute, pas très spectaculaire, éventuellement on peut le trouver un peu austère et difficile d’accès. On peut aussi regretter que certains rôles ne soient pas mieux dessinés et plus fouillés, notamment celui de Radeb Keta. Mais sans ergoter davantage, « Les Chevaliers Blancs » est un très bon film, très réussi et maitrisé, parfaitement interprété avec un scénario solide et clair. Franchement, je ne vois pas ce qu’on pourrait demander de plus au premier très bon film de 2016 !