Joachim Lafosse (Nue propriété, A perdre la raison…) réussit parfaitement, et dès l’entame, à nous plonger au cœur de ce récit, à rendre palpable les tensions qui règnent, non seulement dans cette région du globe alors en proie à la guerre civile, mais aussi celles qui règnent au sein de ce groupe d’humanitaires dépassés par l’entreprise insensée de leur étrange projet. Filmant très bien les trajets périlleux en voiture ou en avion pour arriver dans les villages, mais aussi les discussions tendues entre les membres de l’ONG, de plus en plus sceptiques quant à l’issue de cette aventure, Lafosse propose une mise en scène très rythmée, laissant peu de répit au spectateur, embarqué lui aussi dans cette histoire mouvementée.
Autre point fort, l'ambigüité des personnages constitue l’une des clés de la réussite du film. A ce titre, Vincent Lindon incarne parfaitement ce Vincent, cet homme maladroit, manipulateur, à double faces, pris, d’un côté, par sa mission humanitaire à but lucratif et bien mal organisée, et de l’autre, par son côté "chevaliers blanc", sans doute persuadé que pour sauver ces petits enfants de leur triste sort, rien n'est trop beau.
Cette ambigüité dans les attitudes, dans les rapports, on la retrouve également chez la compagne d’Arnaud (Louise Bourgoin) et surtout chez Françoise (Valérie Donzelli) qui incarne une journaliste reporter dont le rôle se confond par moment avec celui des humanitaires, filmant le groupe de l’extérieur tout participant à ses actions.
Sans jugement, mais en étant malgré tout très clair et précis quant aux actes commis et aux intentions supposées de chacun, Joachim Lafosse réussit là un film passionnant, captivant jusqu’au dernier plan, sans la moindre posture morale, laissant le spectateur prendre la mesure de ce fiasco annoncé qui aura des retentissements diplomatiques jusqu’en très haut lieu.