Alors là, ça faisait longtemps que l’on avait pas vu un thriller aussi passionnant et aussi rondement mené. La réalité dépasse parfois la fiction. Preuve en est avec le dernier film de Vincent Garenq, L’enquête qui compte les déboires et la lutte civique du journaliste Denis Robert qui a mis au jour un système de corruption fiscale généralisé. Ce qui lui a valu, en lieu et place des honneurs, d’être vilipendé par tous les chiens de gardes du système, Libération en tête et poursuivi pour diffamation à de multiples reprises par les justices françaises, suisses et canadiennes.
Denis Robert (Gilles Lellouche), journaliste à Libération, est régulièrement censuré par sa direction. Il finit par démissionner et décide de se lancer en free-lance. Après l’Appel de Genève, initié par les juges Eva Joly et Renaud Van Ruymbeke, qui dénonce les entraves régulières mise à la Justice pour l’empêcher d’enquêter sur la finance, Robert décide de se pencher sur ce système. C’est Ernest Backes (Marc Olinger), un des fondateurs de la chambre de compensation Clearstream qui va le lancer sur une piste inédite : l’existence de compte non publié pour blanchir l’argent sale. Avec le juge Van Ruymbeke (Charles Berling), Denis Robert va tenter de remonter et d’expliquer cette filière du banditisme financier.
L’Affaire Clearstream a cela de révélateur qu’il n’y a pas d’autre complot mondial que celui qui, à travers des intérêts communs, transparaît dans la fraude fiscale organisé à grande échelle. Il n’y a pas de complot sioniste, franc-maçons, illuminati ni de Raptor-Jésus. Il y a juste une communauté d’intérêts, principalement financiers, entre banquiers, fabricants (et trafiquants) d’armes, de drogue et d’êtres humains. Sous couverts de quelques actions caritatives, votre banque cache l’argent de toutes les mafias. Pas besoin de se consulter et de former des cercles, ces gens-là ne cherchent pas à s’unir pour dominer le monde, ils tendent tous simplement dans la même direction. La collusion entre ces différents centres névralgiques du pouvoir entraînent parfois des règlements de compte. Ce fut le cas pour l’Affaire des frégates de Taïwan dont on compte pas moins de six personnes liés à la transaction qui se seraient suicidés entre 1993 et 2001.
Une chambre de compensation est un organisme qui sert d’intermédiaire aux transactions sur les marchés financiers. C’est elle qui débite une compte et en crédite un autre, au terme de chaque journée, faisant les comptes des soldes. C’est sur ce principe que fonctionne Paypal pour les particuliers. Dans le cas de Clearstream, Denis Robert, grâce aux révélations de Régis Hempel (Christian Kmiotek), a pu mettre à jour, l’existence de compte fantôme et s’en procurer un listing. L’existence de compte non publié est en soi, un réel problème concernant les bénéficiaires et la nature de l’argent qui circule sur ces comptes. À l’heure où les banques réclament des intérêts astronomiques aux États, elles dissimulent de l’argent qui n’a pas d’existence officiel, confisqué au reste de l’humanité. Un problème plus grave encore est l’existence de compte non-publié appartenant à des multinationales ou à des personnes. Ainsi le financement du terrorisme se fait par ce type d’organisme pourtant installés aux cœurs de l’Europe. C’est aussi par ce biais que des entreprises côté au Cac40, comme Total, peuvent ne pas payer d’impôts. Clearstream a son siège au Luxembourg. Véritable chambre noire, où l’argent le plus dégouttant est blanchi sans aucune considération morale, les haut-lieux de la finance sont une verrue sur le cœur de l’Humanité.
Hormis qu’il met en lumière d’une façon simple et didactique, une affaire volontairement rendue compliquée et dénigrée par la presse hexagonale, car il ne faudrait pas, non plus, qu’on comprenne trop qui est le seul et véritable ennemi du peuple, L’enquête est également un très bon film, réalisé avec soin, où Gilles Lellouche réussit brillamment à rendre émouvant, cet homme qui a sacrifié une partie de sa vie à la vérité. Charles Berling est également étonnant de justesse pour retranscrire la droiture de l’incorruptible Van Ruymbeke. L’enquête a cela de fort dans sa mise en scène et son déroulement scénaristique qu’il met en lumière, un système naît pour fouler au pied la démocratie et capable de détruire les individus eux-mêmes.
Nous vous conseillons fortement d’aller voir L’enquête pour pouvoir faire le point sur ce système de corruption sans être court-circuité par les campagnes calomnieuses des médias bourgeois de l’époque et démêler également ce qui relevait de la véritable enquête de Denis Robert et ce qui fut politiquement instrumentalisé par, Imah Lahoud (Laurent Capelluto), Dominique de Villepin (Hervé Falloux) et Jean-Louis Gergorin (Eric Naggar). Condamné à plusieurs reprises pour diffamation, Denis Robert a finalement été blanchi, après dix ans de procédures par la cour de Cassation qui a explicitement reconnu « l’intérêt général du sujet » et le « sérieux de l’enquête . André Lussi (Germain Wagner), ancien président de Clearstream jusqu’en 2001, est resté poursuivi à titre personnel pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux avant de bénéficier d’un non-lieu le 27 avril 2006. Le coupable court toujours et ces successeurs continuent certainement leurs méfaits en toute impunité.
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