C’est lors de la préparation de son second moyen-métrage, Bagad (1994), que Christian Rouaud a fait la rencontre avec le personnage d’André Le Meut : "Je suis tombé immédiatement sous le charme de cet homme : son allure, sa gestuelle, son phrasé, son charisme, son humour... Mais quand j’ai eu réalisé Bagad, j’étais à la fois très heureux et un peu frustré. Dédé y était un personnage parmi d’autres, même s’il était au centre du film. Sa personnalité étonnante méritait plus et mieux que le rôle du chef d’orchestre fédérateur, drôle et émouvant, auquel le film, d’une certaine façon, le réduisait". C’est seulement après la réalisation de Tous au Larzac (2011) que Rouaud a décidé de faire un portrait de Dédé : "Ce film est donc une histoire d’entêtement... et d’amitié. Comme si la vie qui va et l’enchaînement des films avaient échoué à me faire oublier ce désir que j’avais de filmer Dédé et d’approcher un peu le mystère de ce personnage qui me fascine tant."
Pour réaliser ce documentaire, Christian Rouaud ne s’est fixé aucune limite de temps : "Je ne m’étais pas fixé d’échéance, je filmais selon mon humeur ou quand Dédé m’appelait parce qu’il pensait que quelque chose pouvait m’intéresser. Je prélevais les images par couches successives, au gré de la vie de Dédé, à l’écoute de ce qui pouvait surgir et me surprendre, sans l’enfermer dans un portrait dessiné à l’avance. Je voulais prendre le temps de laisser aller le regard, de trouver les cadres qui lui "concèdent" l’espace dont il a besoin pour se mouvoir, en sachant que les limites lui sont pénibles et que le monde extérieur, s’il est à conquérir et à arpenter est, finalement, toujours hostile – en tout cas digne de méfiance. (…) Il fallait laisser venir les choses, même si suivre Dédé n’est pas toujours une sinécure ! J’avais envie qu’à un moment on puisse se dire : voilà, on tient le film, inutile de tourner d’avantage. Le tournage s’est donc naturellement étalé sur un an et demi, en 7 ou 8 sessions."
Avec Dédé a participé à de nombreux festivals (Carhaix, Alès, Buenos Aires…) et a notamment remporté la Mention Spéciale Grand Prix lors du Festival Traces de vies de Clermont-Ferrand 2012.
Sur Avec Dédé, Christian Rouaud a voulu faire un long-métrage joyeux en harmonie avec le style de vie d’André Le Meut. Le film est une ode à cet homme atypique que le réalisateur connait bien puisqu’il s’agit de la troisième fois qu’il est au casting de l'un de ses documentaires. Il est apparu dans Bagad (1994) puis dans Le Grand Dédé (2009).
La musique d’Avec Dédé occupe une grande place dans le film. André Le Meut étant avant tout musicien, Christian Rouaud a fait en sorte de mettre en valeur cet aspect de sa personne : "Il est un des meilleurs "sonneurs" de bombarde de Bretagne, que Carlos Nuñez comparait à John Coltrane ! (…) C’est une musique simple, qui parle vite et fort et nous bouleverse parce qu’on sent bien qu’elle vient de loin, qu’elle fait partie de notre culture commune. Comme toutes les musiques traditionnelles elle a des racines paysannes, elle est issue de la transmission orale, de la danse, des complaintes. (…) Lorsque Dédé va rencontrer des gens pour collecter des airs ou qu’il classe des centaines de chansons populaires pour en faire des livres, force est de constater que les histoires et les thèmes musicaux se recoupent, s’échangent, s’interpénètrent et qu’on retrouve dans cette musique pourtant si attachée à son origine celte, quelque chose de l’âme populaire universelle, qui touche les gens, je l’ai constaté, quelle que soit la région où le film a été projeté en festivals."