Iván Mora Manzano évoque Guayaquil, la ville où il est né et où il a passé son enfance et son adolescence. Il s'agit de la première ville de la République d'Équateur et compte environ 2.3 millions d'habitants. Le metteur en scène confie à quel point il est attaché à cet endroit :
"Chaque fois que je pense à cette ville, je songe à la musique que j’écoutais jusqu’au petit matin dans un baladeur de piètre qualité, aux amis jouant de la guitare et chantant en Anglais dans les couloirs d’une maison, aux premières ivresses dans les cages d’immeubles à l’abandon et aux déambulations rêveuses en chemisette dans les nuits chaudes. Chaque fois que je regarde la télévision ou que je lis un livre, j’y trouve un autre Guayaquil : celui qui est fabriqué par les médias – oligarchie et pauvreté qui alternent en farandole – par le pouvoir – Wanabi Miami ou « Guayami » - par la peur – une ville violente, avec des ordures partout et dangereuse – par les clichés – ville de fainéants, de francs-tireurs et de politiciens corrompus – par les préjugés – tout ce qui a été dit précédemment… J’écoute tout cela, je suis parfois d’accord en ce qui concerne les problèmes de la ville, à d’autres moments je suis intéressé, mais lorsque je m’assieds pour écrire, je pense que mon Guayaquil est beaucoup plus que tout ça… C’est une ville merveilleuse, où je suis né, où j’ai passé mon enfance et mon adolescence."
Lorsque Iván Mora Manzano a commencé à écrire le scénario de Sans automne, sans printemps en 2007, ses producteurs Isabel Carrasco (qui est aussi sa femme) et Arturo Yépez lui ont dit que les histoires d’amour étaient trop édulcorées et que l’amour urbain, de genre naturaliste, nécessite plus de sexe. Le réalisateur a alors immédiatement ajouté sept scènes sauvages de sexe dans son film. Il se rappelle :
"Après ce premier excès, je me suis rendu compte que ça n’avait aucun sens. Dans la réalité, le sexe est chaotique, pas toujours satisfaisant, il n’est pas un rêve ni un idéal. En réécrivant, les raisonnements sont arrivés. En premier, le fait que chaque scène de sexe doit faire partie de la vie des personnages. Au bout du compte, les sept scènes de sexe sont restées, mais avec des nuances : deux scènes interrompues, une scène de sexe à la va-vite, une masturbation frustrée (qui reflète la solitude et l’aliénation que vit le personnage de Gloria), une scène de flirt avec la prostitution, une scène de nu collectif sans sexe, et celle dont nous allons parler : la scène de sexe entre Antonia et Martin."
Iván Mora Manzano a toujours pensé que l’important dans le sexe est l’intimité et c'est dans ce sens qu'il ne voulait pas une scène « torride » dans Sans Automne, sans printemps. Le cinéaste confie : "Il y a là une différence essentielle : dépeindre l’intimité, c’est dépeindre le plaisir, mais l’intimité s’exprime aussi sans sexe. Par exemple, le moment où Martin et Antonia sont les plus proches est celui où ils sont nus, étendus sur le sol, après l’amour. Tandis que je réfléchissais à comment filmer la scène, j’ai lu une phrase de Fernando Trueba, dont je ne me souviens pas au mot près, mais qui disait à peu près ceci : « Aux films normaux, il manque ce qui est explicite dans la pornographie, et aux films pornographiques il manque l’histoire, les émotions et le drame. L’avenir du cinéma est de faire surgir l’érotisme dans la rencontre sans distinction entre le narratif et l’explicite. »"
Si, dans ce film, Iván Mora Manzano a fait le choix de montrer tous les nus sans censure, il a en revanche choisi de n'y montrer ni arme, ni crime. Le réalisateur raconte que cette décision a été prise dans la dernière version du scénario, juste avant le tournage, par opposition au conditionnement audiovisuel des spectateurs.
"Les gens sont toujours scandalisés lorsqu’ils voient un pénis à l’écran. Le sexe provoque des réactions surdimensionnées, même à notre époque progressiste, mais personne ne s’indigne lorsqu’un enfant voit des milliers d’assassinats à la télévision et au cinéma avant même d’avoir atteint l’âge de quitter l’école primaire", commente-t-il.
Pour Iván Mora Manzano, penser que le nu a une valeur artistique est un cliché aberrant. "Habituellement, ce qui se cache derrière « l’art facile » est un amalgame de clichés photographiques (inspirés du soft-porn) joliment assemblés. Eclairage professionnel, cadre adéquat, maquillage, direction artistique et costumes. Mais ce n’est pas suffisant. Il est aussi de « mauvais goût » moral d’avoir une bonne production et cependant reproduire des postures machistes ou superficielles. Je souhaitais que l’esthétique soit crue, que les acteurs ne semblent pas simuler, mais jouer des gens qui ont de vraies relations. Et de plus, que ce soit une scène riche en conflits intérieurs et chargée en sentiments. La scène entre Antonia et Martin est une scène de trahison, de nostalgie de l’amour de jeunesse, aussi, et encore de désespoir, puisque le temps est compté dans la maladie d’Antonia. Rechercher la beauté requiert de la complexité", explique le metteur en scène.