Le film La Cause et l'Usage a été sélectionné au Festival du Cinéma du Réel 2012 et a obtenu le Prix des Bibliothèques ainsi que la Mention Spéciale du Jury Jeune.
En cette période de trouble politique, la crise est au cœur de toutes les préoccupations. Ce documentaire ne déroge pas à la règle, puisqu'il brosse un état des lieux plutôt alarmant de la société. Crise du logement et des entreprises locales, désœuvrement des jeunes, discrédit des hommes politiques : tous ces thèmes sont passés au crible de la caméra des deux réalisateurs, Dorine Brun et Julien Meunier.
Dans La Cause et l'Usage, il est avant tout question d'un scandale politique autour du milliardaire Serge Dassault, ancien maire invalidé, qui mène une campagne détournée aux municipales de 2009 à Corbeil-Essonnes malgré son inéligibilité, en soutenant l'investiture d'un candidat qu'il a lui-même désigné.
Si le documentaire porte sur Serge Dassault, la visée argumentative du propos développé dans le film dépasse le simple candidat. Comme le précisent les deux cinéastes, "Serge Dassault fonctionne un peu comme une loupe grossissante sur une certaine manière d’envisager et de pratiquer la politique". A travers ce portrait, les réalisateurs veulent dépeindre plus largement les dérives du système politique à l'échelle nationale.
Si les deux cinéastes ont choisi de se pencher sur la question des municipales dans la région de Corbeil-Essonnes, c'est en grande partie parce qu'ils en sont tous deux originaires. Comme ils le précisent, "nous avons grandi dans cette ville pendant que son paysage politique se transformait". C'est cette raison qui les a poussés à s'intéresser au département et aux nombreux scandales qui entachent sa réputation, comme "l’impact de l’argent de Serge Dassault dans les quartiers populaires, son influence sur la vie industrielle, sa position de patriarche, le culte de la personnalité à l’œuvre", etc… De plus, les deux cinéastes déplorent la situation gangrenée qui ronge la ville : "Les fonctionnements malsains et les rapports de fascination à l’argent et au pouvoir sont intégrés à la vie à Corbeil- Essonnes", constatent-ils avec tristesse.
Sur les trois mois de tournage, Dorine Brun et Julien Meunier ont tenu à maintenir un climat de liberté de parole et ont posé leur caméra au plus proche du peuple. "Nous avons très vite décidé de ne filmer que dans des lieux publics, les marchés, les places, les rencontres avec les habitants, dans un dispositif qui permet à la parole de survenir le plus librement possible", expliquent-ils.
La cinéaste Dorine Brun est une habituée du genre puisqu'elle signe ici son troisième documentaire. Elle avait auparavant réalisé deux films durant son séjour à Palerme, dont Via via circulez, sur les voituriers de la cité italienne, communément appelés les "parcheggiatori". Il en est de même pour le coréalisateur Julien Meunier, qui a déjà signé un documentaire sur les auteurs de bande dessinée en 2011.
Julien Meunier a obtenu une maîtrise de cinéma à l'université de Censier avant de s'orienter vers les Beaux-Arts, tandis que Dorine Brun a suivi un master de sociologie, avant de partir s'installer en Sicile.