Ca y est, l'attente est finie. Elle était longue, elle était dure mais elle est finie. J'ai enfin vu "Exodus: Gods and Kings" (paye ton titre à rallonge), ma plus grosse attente de l'année. Dernier film en date du grand Ridley Scott et nouveau péplum qu'il réalise 15 ans après un certain "Gladiator". Ceux qui me connaissent se doutent bien que cet argument est une preuve de l'attente énorme que j'avais envers ce film. Et je dois dire que je suis bien heureux, car le film ne m'a pas déçu comme "Prometheus" du même Ridley l'a fait avant. L'attente que j'en avais était tout aussi grande, et la déception de taille. Pour en revenir à "Exodus", je ne partais pas totalement confiant (oui, parce que je restais quand même confiant), cela à cause des critiques calamiteuses. Le film a reçu un accueil similaire, voir pire, que "Cartel", grand film totalement incompris précédant "Exodus" dans la carrière de Scott. Et justement...je ne comprend pas du tout cette accueil. En soit, c'est comme pour "Cartel" ou son bâchage me paraissait tout aussi exagéré. Certains reproches sont largement compréhensibles: "Exodus" n'est pas parfait non plus. Mais cet accueil aussi froid a le mérite de me surprendre. Dès le début, j'ai été charmé:
Un texte d'introduction plantant le contexte
(comme pour "Gladiator", "Kingdom of Heaven" ou plus récemment "Robin des bois") agrémenté d'une musique envoûtante de Alberto Iglesias...nul doute, on est bien en face d'une fresque de Ridley Scott. Là ou il étonne plus,
c'est dans le démarrage in medias res de son film. Mais pas le temps d'être décontenancé: ça va très vite et une bataille dans la pure veine de "Gladiator" se profile déjà
. Si on excepte la première partie un peu trop rapide, le rythme du film est admirablement géré. Les 2h30 passent très vite. Savant mélange de scènes intimistes et d'autres plus spectaculaires, "Exodus" sait passionner sans tomber dans la surenchère. Car ce qui est appréciable (ou non), c'est que le film contient finalement peu d'action. La superbe (mais courte) bataille au début ainsi que le climax, et c'est tout. Pour le reste, le scénario, les acteurs et les décors impériaux font l'affaire. Car même sans être trop spectaculaire, le film est d'une démesure assez hallucinante dans la représentation de l'Egypte. C'est juste impressionnant de bout en bout. Que ce soit les palais, les chantiers, même les petites maisons...le travail fait est incroyable. Le chef décorateur Arthur Max a encore fait des merveilles. En plus de ça, même les décors naturels (le film a été tourné en Espagne et dans les îles Canaries) sont magnifiques. Et qui mieux que Ridley Scott pour sublimer tout ça ? Les années passent mais le talent ne pars pas: la mise en scène est encore et toujours exemplaire de sa part. Impossible de compter le nombre de plans à tomber par terre: Scott nous procure un pur émerveillement, tous sont pensés tels des tableaux. De plus, le réalisateur sait toujours aussi bien gérer l'espace autour de ses personnages, que ce soit dans les nombreuses scènes intimistes ou celles de batailles.
Celle contre les Hittites
est exemplaire. La dernière fois que j'avais vu une aussi belle bataille, c'était dans l'excellent "Kingdom of Heaven" (la fameuse bataille de Kerak). Comme pour "Prometheus" et "Cartel", le très talentueux Dariusz Wolski est le directeur de la photographie. Son talent se marie à merveille à celui de Scott: les images sont superbes. Toujours au niveau visuel, les effets spéciaux sont réussis. Peut-être des moments limites comme
lorsque la mer tombe sur les deux frères
, mais je chipote un peu. Tout ça pour dire que le film est visuellement parfait, et c'est finalement peu étonnant. Au niveau du casting, rien à reprocher. Christian Bale porte parfaitement le film et interprète un Moise charismatique et attachant. Particulièrement dans la deuxième partie du film,
quand l'ancien prince devient sauveur
. J'irais même jusqu'à dire que c'est sa meilleure prestation et son rôle le plus intéressant à ce jour. Quand au très décrié Joel Edgerton, j'ai rien à lui reprocher non plus. Il fait le job et arrive bien à tenir tête à Bale. C'est sur que ça vaut pas un Joaquin Phoenix dans "Gladiator" mais les deux rôles (malgré quelques similitudes évidentes) sont éloignés. C'est à peu près pareil pour les autres: Maria Valverde (au passage sublime dans le film), John Turturro, Aaron Paul, Ben Kingsley, etc. Ils ont tous un temps d'apparition plutôt limité mais ils font le boulot. A noter aussi un sympathique Ben Mendelson dans le rôle détestable du Vice-Roi Hegep ainsi qu'une prestation très honorable de Isaac Andrews dans le rôle du messager de Dieu (rien que ça). Et non, je ne pense pas qu'il est utile de parler de l'interprétation de Sigourney Weaver. Elle a quoi...2 répliques ? C'est tellement dommage...elle est annoncée au casting pour ne même pas apparaitre 2 minutes dans le film. Tout ça à cause de quoi ? Du plus grand ennemi de Scott. Ce fichu montage. Le cas est très similaire à celui de "Kingdom of Heaven": le film dépasse normalement les 3 heures mais la Fox a demandé à Scott de raccourcir son film. Là ou plein de détails étalés dans le film en patissaient dans KOH, c'est surtout la première partie qui prend cher ici. Et c'est dommage parce que c'est celle qui m'intéresse le plus. Pour faire simple: tout est trop rapide. Les relations entre les personnages, la situation au palais...tout est introduit beaucoup trop rapidement ! C'est très frustrant, on aimerait que tout cela soit plus posé. Ca explique
la brièveté de la première bataille, ainsi qu'une mort totalement expédiée (celle du Pharaon)
. Evidemment, certains personnages en pâtissent, et en premier lieu celui de Sigourney Weaver. Elle apparait tellement peu que je ne sais même pas si on peut compter ça comme un caméo. Elle vient faire coucou, comme ça.
Y'a une dispute entre Moise et Ramsès au sujet de sa véritable identité et elle se ramène en faisant comprendre qu'elle veut la mort de Moise.
D'accord. Mais pourquoi ? Ca aurait mérité un petit développement. C'est de l'ordre du détail, certes. C'est pas ça qui sera préjudiciable au film mais c'est bien dommage. C'est un peu le même cas pour la mère et la soeur à Moise, qui se contentent également de faire coucou. A vrai dire, c'est à peu près tout ce que j'ai à reprocher au film. Parce que d'autres qualités, le film en a et pas des moindres. Il y a en premier lieu la grande réussite qu'est la bo d'Alberto Iglesias. A la fois craintif et confiant pour cette bo, il faut dire que j'ai été très agréablement surpris. Le compositeur (aidé par Federico Jusid et le grand Harry Gregson-Williams) nous livre là une bande-originale très inspirée et envoûtante. Dans la pure tradition de celles des autres fresques historiques de Scott, la bo est un savant mélange de lyrisme et d'épique. A la fois envoûtante et marquante, c'est tout simplement un vrai régal. Beaucoup de morceaux restent en tête, comme "Moses camp", "I need a general", "Into the water", "The ten commandements", etc. Là ou le film se démarque des autres films sur Moise, c'est dans le scénario, juste excellent. Les tourments de Moise sont très bien explorés et sa relation avec Dieu est plus qu'intéressante. Moise est ici un personnage attachant, brave, mais aussi ambigu sur certains détails. Il est montré dès le début comme quelqu'un de loyal et compréhensif envers les esclaves, tout en ayant ses zones d'ombres. On est pas loin d'un Maximus ou d'un Balian dans le charisme et l'héroisme du personnage (même si je le répète, il y a plus d'ambiguité dans "Exodus"). J'ai aussi trouvé l'idée de
représenter Dieu par un enfant absolument géniale. Scott nous interroge ici sur les actes de Dieu dans cette histoire, en le présentant comme quelqu'un de vengeur et impatient
. C'est une idée osée, et rien que ça m'a plu. Et quand je vois qu'aucune des scènes de Moise avec Dieu n'est ridicule, c'est là que je me dis que Scott a réussi son pari. Ce qui est aussi appréciable,
autre que l'ambiguité sur la santé mentale de Moise, c'est la "réinvention" partielle du mythe. C'est tout bête, mais Moise n'a pas de bâton (ici, c'est une épée), on ne voit pas la scène quand il est bébé sur le Nil, toute la partie ou il est dans le palais à transformer son bâton en serpent a disparu, etc
. Ca peut frustrer pendant un temps mais d'un autre côté, ça permet de redécouvrir l'histoire. On a pas une impression de déjà-vu, c'est la vision de Scott. C'est quand même plus intéressant qu'une nouvelle retranscription sans nouveauté de l'histoire, non ? Et rassurez-vous si vous craignez le peu de scènes d'actions, celles qu'il y a sont impressionnantes.
L'enchainement des plaies est un pur bonheur, avec notamment une attaque de crocodiles effrayante à souhait. Et surtout, surtout, le climax est fabuleux. La scène de la traversée de la mer rouge représente parfaitement ce que c'est l'épique, le vrai (avec en fond l'excellent morceau "Into the water"), suivi d'un tsunami impressionnant.
Car oui, ne vous y méprenez pas, "Exodus" est épique. Certes, il l'est moins qu'un "Gladiator", la faute à un récit traitée avec une relative froideur au niveau des émotions. On sent que "Cartel" a été un tournant dans la carrière de Scott, la mort de son frère n'y étant pas étrangère. Donc certes, il y a une moins bonne proximité avec les personnages. Mais le souffle est quand même présent. Ainsi que l'émotion (un minimum) !
c'est dans le démarrage in medias res de son film. Mais pas le temps d'être décontenancé: ça va très vite et une bataille dans la pure veine de "Gladiator" se profile déjà
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! Pleins de bonnes choses sont à retenir dans "Exodus": c'est un péplum de haute qualité que nous offre Scott. C'est une nouvelle vision de l'histoire de Moise qui s'inscrit parfaitement (voir même logiquement) dans sa filmographie. J'attends maintenant deux choses: la director's cut (afin que le film puisse atteindre une relative perfection) et "The martian", le prochain film du réalisateur britannique. Bref, "Exodus" est une claque. Ce genre de film est trop rare pour ne pas en profiter, en espérant que Scott reviendra au péplum et/ou au film historique épique avant la fin de sa carrière.