Bleu Pétrole : les secrets du tournage

Nadège Trebal a eu l'idée de Bleu Pétrole alors qu'elle était en vacances dans la région. Elle aperçut l'usine en pleine nuit et fut frappée par l'image, qu'elle décrit comme "un tableau entre l'arbre de Noël et Manhattan". Elle revint le jour d'après et prit conscience de la masse, de l'espace imposant que représente cette usine. Elle décida alors d'écrire un scénario autour de ce lieu pour la fin de ses études à l'école de la Fémis (célèbre école de cinéma nationale). Ce n'est que bien plus tard qu'elle transforma sa fiction en documentaire.

A l'origine, Bleu Pétrole aurait dû être un film de fiction sur une femme qui sortait de prison et qui, en guise de travail de réinsertion, conduisait les navettes des ouvriers de l'usine. Mais la réalisatrice Nadège Trebal décida d'orienter son film vers le documentaire après sa rencontre avec Christophe Hiou, secrétaire CGT, qui lui raconta son travail et son parcours. A la suite de ce témoignage troublant, elle prit la décision de faire un film avec la classe ouvrière.

Les partis pris de mise en scène ont été en quelque sorte imposés par les contraintes de tournage. Nadège Trebal fut parfois obligée de filmer dans des endroits très exigus (comme le local syndical), ou même de ne pas filmer du tout, des explosions pouvant avoir lieu si le signal produit par la caméra rentrait en contact avec certains produits chimiques ! La réalisatrice fut exclue de l'usine par la direction pendant plusieurs semaines, ce qui l'a poussée à s'adapter en permanence, pour saisir les rares moments de vérité.

Bleu Pétrole, en plus de suivre l'activité d'une importante usine de France, raconte un passage de témoin entre deux responsables syndicaux, Jacky Le Guennec et Christophe Hiou. Le film commence avec le premier, à la chasse près des étangs de la Loire, et désormais retraité, et continue avec le second, pris dans l'effervescence de l'usine. Nadège Trebal a ainsi eu envie de reconstituer le "patchwork" du paysage de cette région et de ce lieu, ce contraste fort entre la nature fragile, les marais salants, les bords de Loire, et l'usine fumante.

Le film constitue un exemple d'auto-production, c'est à dire majoritairement financé par la réalisatrice elle-même. Bien qu'elle ait pu compter sur l'aide d'un producteur, Gilles Sandoz, pour tenir son budget serré, elle n'a obtenu aucun soutien financier pendant la préparation et le tournage de Bleu pétrole. Le CNC ne lui a octroyé l'"Avance sur Recettes après Réalisation" qu'à la toute fin de ce difficile voyage qu'est la création cinématographique.

Bleu pétrole est le premier long-métrage de Nadège Trebal, sortie de l'école de la Fémis en 2006. Malgré ce début derrière la caméra, elle avait déjà travaillé comme scénariste sur plusieurs projets, notamment les films de Claire Simon, Ca brûle (2006) et Les Bureaux de Dieu (2008).

Le titre de ce documentaire est une référence directe au dernier album d'Alain Bashung, décédé pendant le tournage. Le compositeur, Rodolphe Burger, s'est ainsi inspiré des poèmes du chanteur pour écrire la musique du film.