Une véritable bonne surprise avec ce film que je redoutais beaucoup, me méfiant de la tendance des Studios Disney à « infantiliser » leurs longs métrages et le risque qu’ils déforment la réalité des personnages (parce qu’il paraît que l’oncle Walt, au quotidien, c’était pas une franche partie de rigolade).
Mais au final, j’ai beaucoup aimé ce film. Les personnages sont attachants, aussi bien celui de Pamela Travers, psychorigide et butée, que celui de Walt Disney, éternel optimiste dont la chaleur contraste avec la froideur de Travers, qui insistera tout le long du film pour qu’on l’appelle « Mrs Travers » et au grand jamais « Pamela » (quand on pense que ce bon Walt l’appelle « Pam » dès son arrivée à Los Angeles, on s’étonne qu’elle ne soit pas repartie tout de suite). Autour de ce duo principal, d’excellents seconds rôles se succèdent, aussi bien dans la partie « présent » du film que dans celle de la jeunesse de Pamela. La scène où les compositeurs présentent à Pamela Travers la chanson du cerf volant est pour moi la plus belle du film.
Le film amène très bien les deux histoires qu’il traite en alternance avec d’un côté le bras de fer de Disney et Travers concernant la réalisation du film, et de l’autre le passé de Pamela Travers qui révèle progressivement pourquoi elle tient tant à certains détails insignifiants, et surtout pourquoi elle tient autant à son roman et à ses personnages. L’alternance est faite sans lasser le spectateur, et permet de comprendre de mieux en mieux le personnage de l’auteure, avec laquelle on finit par compatir.
La prestation des acteurs est excellente. Le duo de Tom Hanks et d’Emma Thompson fonctionne très bien, sans qu’aucun des deux ne tombe dans le caricature de son personnage : Tom Hanks reste relativement sobre tout en jouant un homme plutôt expansif (tout le monde l’appelle « Walt » ou « Walter »), et Emma Thompson est amusante dans son personnage de femme renfermée, courtoise mais se souciant peu d’être désagréable pourvu que tout marche à sa manière (on va refaire ça. Et ça. Oh et puis ça, aussi.).
En revanche, la grande surprise de ce film, pour moi, reste Colin Farrell, dans le rôle du père de la jeune Helen Goff, qui deviendra plus tard Pamela Travers. Son rôle est, je pense, le plus difficile du film :
il joue un homme très épris de sa famille mais malmené par la vie qu’il mène, un doux farfelu qui sombre progressivement dans l’alcool parce qu’il n’a sans doute pas trouvé de meilleur échappatoire à cette vie difficile qu’il n’a pas choisi.
C’était à mon sens un vrai tour de force que d’interpréter un tel personnage sans tomber dans l’absurde ou la caricature, mais Colin Farrell s’en sort brillamment, et heureusement, puisque l’intrigue entière du film repose finalement sur l’amour et l’admiration que Pamela avait pour son père.
Les décors et les couleurs sont également à souligner : l’étonnante reconstitution du bush australien dans lequel vivent les Goff ainsi que le parc Disney des années 60. Je me suis laissée emporter avec bonheur dans ce joli film qui explore la genèse méconnue d’un des plus grands films de Disney. Bon, bien sûr, renseignements pris, il y a beaucoup de « faux » dans ce film (qui finit bien, alors qu’apparemment Pamela Travers a été si déçue du film de Disney qu’elle a toujours refusé par la suite de céder les droits pour en tourner un autre, et ce malgré les nombreuses aventures de sa nourrice magicienne).
Mais finalement, ce qui compte peut être plus que la véracité complète de l’histoire, c’est l’appréciation du spectateur. Ce film m’a fait sourire, pleurer (ce qui ne veux rien dire, je vous l’accorde, puisque je pleure très régulièrement comme une madeleine au cinéma, mais je le souligne quand même) et rire, et j’ai passé un très bon moment.
Un seul bémol cependant : je regrette la traduction française du titre. A ce compte-là, j’aurais autant aimé qu’on garde l’originale, à savoir « Saving Mr Banks », puisqu’à priori, même les truffes en anglais savent que « to save » signifie « sauver ». Le titre original reflète davantage l’intrigue du film
qui révèle progressivement que Pamela Travers, ayant le sentiment de n’avoir pas pu sauver son père, a créé le personnage de Mr Banks pour lui donner en roman la rédemption qu’il n’a pas eu dans la vie.
Bilan : je vous recommande vivement ce film (et je vais de ce pas regarder le Mary Poppins de 1964, que j’ai abandonné il y a de nombreuses années parce que j’avais une sainte peur des banquiers de la Fidelity Fiduciary Bank).