Suzanne a été présenté en ouverture de la 52ème Semaine de la Critique, dans le cadre du Festival de Cannes 2013.
Suzanne marque la deuxième collaboration entre Frank Beauvais et Katell Quillévéré en cette année 2013. Avant que la réalisatrice ne sollicite son homologue pour jouer Etienne, elle avait travaillé avec lui à l’occasion de Vandal d’Hélier Cisterne. Quillévéré était en charge du scénario quand Beauvais officiait comme consultant musical.
Le tournage de Suzanne n’a pas été une sinécure pour Sara Forestier. L’actrice césarisée pour son rôle dans Le Nom des gens a avoué avoir été mal dans sa peau sur le plateau, parce qu'elle est allée chercher de nombreuses peines au fond d’elle-même pour incarner Suzanne. Le fait d’abandonner son personnage à la fin du tournage a été vécu comme une libération par la jeune femme.
L’idée de mettre en scène Suzanne est née dans les lectures de Katell Quillévéré. "Quand mon compagnon lisait beaucoup de livres sur les ennemis publics français comme Mesrine, Besse, Vaujour, il m’a offert les autobiographies de leurs compagnes. J’étais fascinée par l’attitude de ces femmes à la fois extrêmement courageuses mais aussi dans une soumission presque suicidaire à leurs hommes", confesse la réalisatrice.
Le principe même du film repose sur une série d’ellipses suggérant les évènements sans les montrer. Katell Quillévéré trouvait que ce procédé permettait une plus grande tension et une implication supérieure des spectateurs. "Je trouvais plus cinématographique de montrer cette adolescente devenue mère en une coupe. La brutalité d’une ellipse peut exprimer, mieux que tout, le bouleversement provoqué par un événement (…) Tout le monde peut se représenter ce que cela implique d’avoir un enfant à dix-sept ans. Assez vite, on s’est dit aussi qu’on ne filmerait pas la cavale des amoureux, c’était trop attendu, déjà beaucoup vu au cinéma. À ce moment-là de l’histoire, il est plus intéressant d’être du côté de ceux qui restent, de travailler le personnage de Suzanne par le négatif", détaille la cinéaste.
Sara Forestier s’est mise dans un état émotionnel extrême pour incarner Suzanne. Katell Quillévéré l’a bien remarqué. A tel point que la réalisatrice s’est dite impressionnée par la faculté d’interprétation de sa comédienne : "C’est une actrice incroyable, d’une intensité rare, capable d’endosser des situations de jeu très violentes. Et en même temps, elle est très lumineuse, ce qui était un atout énorme pour le personnage, car je savais que le film était potentiellement très sombre (…) Pendant le tournage j’étais fascinée par la maturité émotionnelle de cette jeune femme de 25 ans. Elle pouvait tout exprimer, la violence de la passion amoureuse, la douleur du deuil, les joies de la maternité, comme si elle avait déjà eu cent vies…", rapporte Quillévéré.
Le film se déroulant sur 25 ans, un soin particulier a été accordé au vieillissement des personnages. Ainsi, la transformation de François Damiens prenait près de 2h30 rien que pour son visage tous les jours afin de le rendre crédible.
Pour réaliser Suzanne, Katell Quilévéré s’est directement inspirée d’un film japonais intitulé Il était un père de Yasujirō Ozu sorti en 1942 au Japon mais découvert en 2005 en France. Dans ce film, le réalisateur japonais raconte l’histoire, avec des ellipses, entre un père et un fils (un père et une fille dans Suzanne) sur une période de 20 ans (25 dans Suzanne).
Pour les besoins du scénario, Katell Quillévéré et son équipe ont tourné dans une prison pour hommes dans le sud de la France (une scène devant se dérouler dans une prison pour femmes). De fait, une vingtaine de figurantes ont été introduites dans le pénitencier pour réaliser le tournage. Cette présence féminine n’a pas manqué d’émoustiller les pensionnaires du lieu qui ont suivi avec attention la scène.
C’est en hommage à Leonard Cohen que Katell Quilévéré a écrit Suzanne. C’est d’ailleurs en rentrant de l'un de ses concerts qu’elle a trouvé l’envie de recommencer à écrire.