Pour Cristian Mungiu il n'y a rien de positif, rien de beau, rien de divin. Le destin a séparé Alina (Cristina Flutur) et son amie Voichita (Cosmina Stratan). Alina revient en Roumanie dans l'espoir de repartir avec Voichita pour travailler en Allemagne. Mais Voichita ne veut plus. A-t-elle jamais voulu ? Ce refus va avoir des répercussions dramatiques. La relation entre Alina et Voichita évolue lentement sous nos yeux. Alina ne l'accepte pas. Son expérience en Allemagne n'a pas été concluante (sinon elle ne serait pas revenue). Elle croit que cela fonctionnerait mieux si son amie Voichita repartait avec elle. Mais Voichita est réconciliée avec ses anciens maux. Elle a trouvé son refuge spirituel dans la communauté d'un petit monastère perdu dans une province reculée. La vie ascétique des religieuses, les relations d'aide avec le village ou la petite ville qui les entoure sont décrites simplement et honnêtement. Et ces scènes montrant cette petite vie bien simple et pourtant bien remplie, sont d'une importance capitale pour comprendre le film. Cette communauté rustique fonctionnait bien jusqu'à l'arrivée d'un élément perturbateur qui vient avec son background assez lourd, et le comportement agressif d'une jeune fille de notre époque. Voichita n'a plus besoin d'Alina. Alina l'a compris, et elle ne sait plus quoi faire pour se rebeller contre la décision sans appel de Voichita. Elle sème la confusion comme beaucoup de jeunes d'aujourd'hui qui ont tendance à se servir de la violence dès qu'ils ne peuvent pas résoudre une situation, et qu'ils sont en conflit avec quelqu'un ou une institution. C'est un comportement très actuel. Et c'est justement ce télescopage entre la vie monacale et rigoureuse du monastère et la psychologie des jeunes de notre époque qui créent la confusion. Alina a un amour obsessionnel envers Voichita. Cristian Mungiu ne donne pas beaucoup d'explications sur la relation amoureuse entre les 2 jeunes femmes, et sur les explosions violentes d'Alina. On comprend que leur relation devait être autant tumultueuse auparavant, car pourquoi Alina est-elle partie toute seule une première fois ? C'est que Voichita n'en avait pas vraiment envie tout simplement. Voichita est-elle coupable de cette dérive vers le drame ou veut-elle (connaissant trop bien Alina) se débarrasser de l'amour étouffant de son amie ? Elle sait fort bien qu'Alina ne peut accepter ce genre de vie austère. Inexorablement Alina s'enfonce. Elle pourrait repartir seule, mais s'obstine. Ce drame en dépit des décors, est lié à une relation bien contemporaine. Voichita se sert de ce monde anachronique, mais Alina et Voichita sont terriblement modernes. Elles sont là, dans ce monastère, mais sont loin d'être naïves et retardées. Leurs agissements, leurs errements sont de notre temps, et c'est cela qui les poussent vers leur confrontation où le monastère devient la victime collatérale. On comprend bien que le monastère est inadapté pour prendre en charge une personnalité troublée comme Alina qui n'est bien nulle part. Quant à Voichita, elle a changé d'aspect, mais pas de mentalité. L'histoire aurait pu aussi bien se dérouler en banlieue ou dans une zone périurbaine. Mais on aurait pas eu un choc culturel si intense. Voichita aurait pu sauver son amie. Elle a l'occasion d'avertir des automobilistes, mais elle ne fait rien. Voichita profite de la simplicité, de la maladresse et de l'ignorance de la communauté du monastère orthodoxe qui est une sorte d'asile où survivent les superstitions dans un rituel religieux passéiste. Elle s'en sert dans sa relation conflictuelle avec Alina. Les caresses sont-elles des gifles ? C'est pervers, c'est effroyable, mais cela en fait un très grand film.