Le temps est un personnage essentiel dans Je suis : il fait partie intégrante du processus de rééducation. C'est pourquoi les saisons ont une place très marquée dans le film, avec un rythme souligné par l'utilisation d'une bande son organique, faisant ressortir le présent.
Dans Je suis, le récit ne verse jamais dans le pathos malgré la thématique sensible abordée. Si le cinéaste Emmanuel Finkiel se situe résolument du côté de la vie, c'est que, selon lui, même dans les étapes les plus dures de l'existence, il existe toujours l'espoir d'une renaissance. Son film "plaide pour la thèse de la construction", comme il aime à le rappeler. D'ailleurs, cette idée de reconstruction était si importante aux yeux du réalisateur qu'il a choisi de suivre des familles particulièrement actives et présentes envers leurs proches accidentés. Portées par l'amour de leur famille, ces personnes arrivent à surmonter le drame et à renaître.
Au cinéma, l'individu reste, selon Emmanuel Finkiel, trop souvent filmé comme un objet, chose que le metteur en scène a absolument voulu éviter, raison pour laquelle il n'a jamais filmé quiconque à son insu. Il a préféré filmer les visages comme des paysages. Pour ce faire, il a effectué un important travail sur le choix des focales et de la distance.
Selon Emmanuel Finkiel, le cinéma fonctionne comme un miroir et introduit l'altérité tout en demeurant un support d'identification privilégié. C'est en se basant sur ce phénomène dialectique qu'il a choisi d'accorder une grande importance à l'utilisation de gros plans. Selon lui, ce procédé permet de faire passer de la sensibilité et d'instaurer une certaine intimité entre le spectateur et l'individu porté à l'écran.
Lui-même victime d'un AVC (Accident vasculaire cérébral), Emmanuel Finkiel a ensuite ressenti le besoin de faire un film documentaire sur le sujet. Au départ, le projet devait s'appeler "Donc je suis" en hommage à la théorie de Descartes, mais le réalisateur a préféré retirer le "donc", renvoyant à une notion jugée trop conceptuelle. Il a finalement choisi de mettre l'accent sur la question suivante : "A partir de quel moment une personne est une personne ?". Il a ainsi exprimé le désir d'ancrer son intrigue dans l'instant présent avant tout, d'où le Je suis.