Né à Liverpool en 1925, Paul Raymond quitte l'école très jeune et enchaîne les petits boulots jusqu'à ouvrir en 1958 son premier club, le "Raymond Revue Bar" où sont organisés des spectacles chorégraphiés de femmes dénudées. Possédant un bar privé, il n'est pas soumis à la loi Chamberlain interdisant la présentation de femmes nues sur scène et en mouvement. Avec lui, le strip-tease devient branché et les plus grandes célébrités, des Beatles à Frank Sinatra en passant par Judy Garland, s'y rendent. Plus de 45 000 membres rejoignent le "Raymond Revue Bar" en pas moins de deux ans. Homme excentrique, il boit du champagne millésimé avec à son bras plusieurs jeunes femmes. Il se lance, également, dans l'édition et fonde son magazine en 1971 intitulé "Men Only". En 1992, il est considéré comme l'homme le plus riche d'Angleterre. Il décède en 2008 avec une fortune estimée à 650 millions de dollars.
Michael Winterbottom et Steve Coogan se retrouvent pour la 4ème fois après 24 Hour Party People (2002), Tournage dans un jardin anglais (2004) et The Trip (2010). Coogan a beaucoup appris du réalisateur : "Ça m’a libéré, d’un point de vue créatif, compte tenu de mon expérience dans le registre comique. Il y a une part de moi qui veut être prise au sérieux. J’ai une relation assez schizophrénique avec la comédie ! J’adore ça, mais parfois je trouve ça trop simpliste, trop réducteur. En tant que comique, il faut être tout le temps dans le contrôle, dans la précision. Mais avec Michael, j’ai appris à lâcher prise, à apprécier le fait de ne pas tout contrôler", explique le comédien.
Dans The Trip, Steve Coogan interprètait son propre rôle avec beaucoup de dérision. Comme Paul Raymond, il a une réputation assez sulfureuse d'homme à femmes. Il a eu envie, dès ce tournage, de jouer le rôle de cet homme extravagant. Il a alors fait état de leurs ressemblances au réalisateur Michael Winterbottom : ils ont tous deux grandi dans le Nord de l'Angleterre, sont catholiques, ont migré vers le Sud pour faire fortune, aiment les belles voitures et ont une mauvaise réputation auprès des femmes. Sur les conseils du réalisateur, Coogan a rencontré le scénariste Matt Greenhalgh dans un café et s'est mis à imiter Paul Raymond. Matt Greenhalgh rapporte ceci : "Tout le monde dans le café se marrait, Steve ne me laissait pas le temps d’en placer une, et j’étais écroulé de rire. Il m’a demandé si je souhaitais écrire ce film que Michael allait réaliser. Je connaissais Paul Raymond comme tout le monde. J’achetais ces magazines, je connaissais le Raymond Revue Bar. Je ne savais pas en revanche qui il était vraiment, et comment il a participé à rendre l’Angleterre plus libérée et notre façon de voir le sexe. Quand j’ai découvert sa relation avec sa fille, j’étais conquis. Il y a plus que le côté représentation du personnage."
La difficulté pour Steve Coogan a été de se fondre dans le personnage sans pour autant tomber dans le documentaire. Le film est, avant tout, un drame ponctué de moments comiques. Melissa Parmenter, la productrice, insiste sur les problèmes liés à la réalisation d'un film sur de vraies personnes : "Vous voulez restituer la vérité au plus près possible. Mais en même temps, c’est un film qui se tourne, on ne doit pas perdre de vue le côté divertissant. C’est un équilibre compliqué à atteindre."
Abandonné par son père, sa mère et ses soeurs ont eu un rôle prépondérant dans sa vie. Il leur doit son amour et son respect de la gente féminine. Il a été marié pendant 10 ans à Jean Raymond (Anna Friel), chorégraphe de ses premiers spectacles, avec qui il a eu deux enfants, Howard et Debbie. Plus tard, il rencontre Julia Rosamund Harrison. Celle-ci, au moment de tenir une rubrique assez osée dans "Men Only", changera son nom pour Fiona Richmond incarnée par Tamsin Egerton. Mais Debbie restera la seule femme de sa vie et il ne se remettra jamais de son overdose en 1992.
Surnommé le "king of Soho" pour ses nombreux achats d'immeubles dans le quartier, Paul Raymond s'est d'abord installé dans des coins un peu douteux où la population nocturne était très alcoolisée. Il investira un peu plus tard dans des lieux mieux fréquentés. Aujourd'hui, Soho a changé mais certains endroits ont pu servir de "décors naturels" au film, comme le Ronnie Scott’s, un club de jazz, ainsi que les restaurants Kettners sur Romilly Street, et L’Escargot sur Greek Street.
L'équipe de A very Englishman s'est fixée un but : restituer le réel sans se laisser submerger par l'histoire et l'univers de l'époque. Malgré tout, les costumes aident à incarner au mieux un personnage. Steve Coogan voit les choses ainsi : "Le rituel de mettre une montre Rolex, des colliers et un bracelet, de me coiffer, me permettait de rentrer dans le personnage. Quand vous portez des chaussettes en soie et que vous avez une magnifique chemise avec boutons de manchettes, vous ne vous comportez pas de la même façon. Paul Raymond était toujours impeccable, en ce sens."