Sean Connery, Terence Young et le tandem de producteurs Saltzman et Broccolli de retour à peine un an après Dr No pour offrir au monde leur deuxième exercice estampillé James Bond. Plus réussi, plus posé, malgré un tournage laborieux, From Russia with Love perpétue la tradition 007 instaurée par le premier et précédent long métrage, ne développant pas d’avantage le personnage, ou peu, mais offrant cette fois-ci un scénario plus mature, plus fourni, malgré, là encore, des bouleversements de dernière minute. Le pari est réussi, le film est un succès retentissant, les fans en redemande, le film constituant par ailleurs une douce découverte qu’est celle d’une certaine Daniela Bianci, absolument craquante en Bond Gril, sans doute l’une des plus importante de la franchise de par son implication dans le scénario. Bons baisers de Russie, c’est aussi les adieux malheureux, une sorte d’hommage, à Pedro Almendariz, mourant durant le tournage, qui signe là ces dernières heures au cinéma.
Moins d’exubérance visuelle, Ken Adam étant occupé outre part, un rapprochement marqué à la Guerre froide, un script plus subtil que dans bien des films de la série, un James Bond plus professionnel que jamais, confronté par ailleurs audit Red Grant, lui aussi symbole de froideur meurtrière. Mais la réussite de cet opus-là est son attachement à une réalité solide des années 60, la Guerre froide, mêlée à une nouvelle confrontation entre 007 et l’organisation criminelle qu’est le spectre. Le grand méchant de l’époque, que l’on découvre, sans visage, pour la première fois, se joue d’un conflit entre est et ouest pour ourdir un plan tout sauf niais, légitime et toujours d’actualité. L’on en oublie parfois que le Spectre est derrière tout ça, le film nous plongeant perpétuellement dans un univers de guerre froide imposant. Une véritable force scénaristique que seul le tueur implacable suivant notre tandem semble nous rappeler.
Le film possède lui aussi son lot de scènes cultes. Si certaines ont cruellement vieillies, Le combats des gitaines, d’autres, à l’image de la confrontation entre Bond et Grant dans un wagon de l’Orient Express, nous démontrent tout le savoir-faire de Terence Young. Le film est tout simplement captivant, sans faire montre d’ambition visuelles, héroïques, démesurées. La force donc de bons baisers de Russie, son script, sa justesse, et ce malgré le fait qu’il soit celui ayant le plus vieilli. Si dans l’ensemble, le film est posé, relativement lent, la dernière demi-heure nous offre tout de même un corps-à-corps mémorable, une confrontation entre l’homme et un hélicoptère puis une poursuite en bateau, pour finir sur la mort du méchant de l’histoire dans une suite de Venise.
Bons baisers de Russie est aussi un film popcorn en termes de faux raccords. Oui, la haute définition aidant, l’on s’amusera dès lors à compter les bugs réguliers que comporte le film, sans que cela lui soit nuisible, simplement amusant. Oui, des voitures qui changent de couleur d’une prise à l’autre, des techniciens à quatre pattes dans le champ des caméras, des plans filmés à répétitions, des arrières plans foireux et j’en passe, le tout pour amener un attrait supplémentaire auprès des fans et vrais cinéphiles. Un opus réussi, vieux, certes, démodé, d’une certain façon, mais sincèrement captivant, amusant, parfois drôle, parfois violent, pour l’époque du moins. Istanbul, Venise, l’Ecosse, l’Orient Express et les studios Pinewood comme lieux de tournage. Un monument. 16/20